Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 3 décembre 2002, action directe parfaite
Il existe une distinction entre l'action directe parfaite, et l'action directe imparfaite. La jurisprudence a longtemps considéré que l'action directe du mandataire substitué à l'encontre du mandant était parfaite, cependant cela a été souvent critiqué. C'est sur la nature de cette action directe que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a dû statuer dans son arrêt de rejet du 3 décembre 2002.
En l'espèce, une société avait donné mandat à une autre société afin de dédouaner des bobines électriques en provenance de Tunisie et les transporter à destination. Pour cela, elle lui avait versé une provision. La société mandatée avait délégué à une autre société le dédouanement, se réservant ainsi seulement le transport. La société, mandataire principal, avait été mise en liquidation judiciaire. Ainsi le mandataire substitué, n'avait pu être payé, de ce fait il s'était retourné contre la société mandante pour obtenir le paiement du dédouanement, sur le fondement de l'article 1994 alinéa 2 du Code civil.
[...] Néanmoins, par un arrêt du 27 décembre 1960, la chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'en vertu de l'article 1994 alinéa 2 du Code civil, le mandant pouvant agir directement contre la personne que le mandataire s'est substitué par voie de conséquence, le substitué jouit d'une action personnelle et directe contre le mandant pour obtenir le remboursement de ses avances et frais et le paiement de ce qui lui est dû Depuis on dit que la Cour de cassation a bilatéralisé l'action directe. Elle a décidé régulièrement que le mandant n'est pas fondé à opposer au mandataire substitué les paiements faits par lui au mandataire principal même s'ils étaient antérieurs à l'exercice de son action Cela pouvait paraître aberrant. La jurisprudence était parfaitement établie. Notamment dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 novembre 1997, ou encore du 24 mars 1998. [...]
[...] Certes pour eux la décision est fondée, mais ils considèrent que la décision rendue par la Cour de cassation est imparfaite. La question est tellement complexe, qu'il paraît difficile pour la doctrine de produire une décision parfaite et équilibrée en ce domaine. La doctrine considère également qu'après cette première avancée, la Cour de cassation pourrait s'engager dans différentes directions. Tout d'abord elle pourrait rester sur sa position prise en 2002, au risque de laisser l'injustice s'agrandir à l'encontre du mandataire substitué. [...]
[...] Désormais, les juges de la Cour de cassation font naître un déséquilibre à l'encontre du mandataire substitué. Ils ne font naître aucun assouplissement à son encontre dans la décision du 3 décembre 2002. On peut considérer que le mandataire substitué ne pourra plus obtenir un quelconque remboursement lorsqu'un paiement antérieur à son action a été effectué de la part du mandant à l'égard du mandataire principal, et ce même si le mandant savait en le payant que le mandataire principal connaissait des difficultés financières et l'existence d'un mandataire substitué. [...]
[...] C'est donc expressément à l'action directe imparfaite à laquelle la chambre commerciale fait référence dans cet arrêt de 2002. Or en l'espèce, le mandataire principal avait reçu provision pour les fonds destinés au dédouanement par le mandant, et n'a donc plus aucune créance à son encontre, ce qui exclut toute action directe de la part du mandataire substitué contre le mandant. La chambre commerciale ici tourne donc le dos à sa jurisprudence précédente en changeant la nature de l'action directe du mandataire substitué à l'encontre du mandant, qui était pourtant constante jusqu'ici, malgré les critiques de la doctrine et la résistance des juges du fond comme vu précédemment. [...]
[...] Elle pourrait également que le mandataire substitué se voit obligé de mettre en demeure le mandataire principal de lui verser sa rémunération, en envoyant une copie de celle-ci au mandant. Cela ressemblerait alors au régime de la sous-traitance. On observe généralement que les litiges naissent d'un manque d'information dans ce rapport triangulaire mandant-mandataire principal-mandataire substitué. De ce fait ces trois directions auraient peut être pour but non pas de supprimer totalement les litiges semblables à ceux de l'espèce du 3 décembre 2002, mais au moins de les faire diminuer nettement. [...]
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