Droit civil - contrats - obligations - cause - révision- imprévision - cause - canal de Craponne
A première vue, l'arrêt frappe de part l'innovation qu'il comporte et de part la précision de la motivation quant aux circonstances ayant donné lieu à la censure de la Chambre commerciale. En admettant que l'évolution économique puisse déséquilibrer le contrat et le priver de « toute contrepartie réelle », la Cour porte un nouveau coup au dogme d'un contrat intangible et immuable, faisant fi du potentiel bouleversement de son environnement externe. Toutefois, il apparaît qu'il faille modérer cette atteinte, entendue comme une remise en cause de l'arrêt de 1876. A aucun moment le juge ne semble admettre la possibilité d'une quelconque révision judiciaire. Surtout, la Chambre commerciale penche pour la reconnaissance de la caducité du contrat, en raison d'une disparition de toute contrepartie, c'est dire qu'elle fait appel à la notion de cause pour justifier sa décision, alors pourtant qu'elle aurait pu invoquer des fondements différents à l'appui de sa position. Ainsi, la Cour opère-t-elle une véritable instrumentalisation de la notion de cause, pour admettre la prise en compte de l'imprévision, portant fatalement ou non, atteinte à l'intangibilité et l'immutabilité du contrat.
[...] En outre comme le souligne très justement Monsieur le professeur Nicolas Molfessis, une telle solution porte nécessairement en elle une part d'inégalité, puisqu'elle amène à ne sanctionner que les déséquilibres les plus graves, tandis que d'autres, plus légers, mais tout aussi avérés, trouveraient pourtant à perdurer. [...]
[...] En d'autres termes, se posait très clairement la question de l'admission de l'imprévision, mais plus encore, dans l'hypothèse où la Chambre commerciale accepterait de lui faire produire des conséquences, lesquelles et sur quels fondements ? L'arrêt confirmatif fut finalement cassé, au visa des articles 1131 du Code civil et 873 alinéas 2 du Code de procédure civile, aux motifs : Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'évolution des circonstances économiques et notamment l'augmentation du coût des matières premières et des métaux depuis 2006 et leur incidence sur celui des pièces de rechange, n'avait pas eu pour effet, compte tenu du montant de la redevance payée par la société SEC, de déséquilibrer l'économie générale du contrat comme voulu par les parties lors de sa signature en décembre 1998 et de priver de toute contrepartie réelle l'engagement souscrit par la société Soffimat, ce qui était de nature à rendre sérieusement contestable l'obligation dont la société SEC sollicitait l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale À première vue, l'arrêt frappe de par l'innovation qu'il comporte et de par la précision de la motivation quant aux circonstances ayant donné lieu à la censure de la Chambre commerciale. [...]
[...] À une époque où la sacrosainte note d'arrêt se multiplie dans les colonnes des revues juridiques, il n'est pas exclu de penser que le choix des auteurs de porter leur attention sur tel ou tel arrêt et d'en faire l'objet d'un commentaire n'est pas anodin. Ainsi, il sera toujours loisible à certains de commenter et diffuser des arrêts venant aux soutiens des idées qu'ils défendent, tandis que l'on passera volontiers sous silence une autre décision qui tempèrerait les développements précédents. Pourra-t- on peut-être même se réjouir que celle-ci n'ait pas connu la postérité. [...]
[...] À aucun moment la Cour ne prend parti pour une solution inverse. Néanmoins, on ne peut ignorer que l'arrêt du 29 juin s'inscrit dans un contexte particulier, où l'admission de la révision judiciaire pour imprévision fait débat ; à une heure où la réforme du droit des contrats est en chantier. Pour cette raison il apparaît comme un nouveau pas vers une peut être prochaine admission de cette révision judiciaire, mais encore comme la proposition d'un nouveau fondement autorisant sa consécration en droit français. [...]
[...] Pour la Chambre commerciale de la Cour de cassation, c'est en l'espèce un changement de circonstances extérieur aux parties qui a entrainé la disparition de toute contrepartie réelle. On pourra tout de même objecter que la contrepartie existait toujours en la forme de la redevance versée annuellement, pour autant celle-ci était devenue extrêmement faible au regard du coût nouveau que devait entrainer la prestation à laquelle la demanderesse devait satisfaire. On peut ainsi espérer à l'instar de M. Mazeaud que l'exploitation de la cause cantonne le champ d'application de l'imprévision. Les hypothèses devraient s'avérer rares où la disparition de la cause serait totale. [...]
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