Selon le professeur Picod, le principe de proportionnalité du cautionnement « protège le constituant contre la voracité sécuritaire du créancier ».
En effet, le contrat de cautionnement, qui se définit comme « le contrat par lequel la caution s'engage envers le créancier à satisfaire l'exécution de l'obligation si le débiteur n'y satisfait pas lui-même », ne crée des obligations qu'à la charge de la caution et constitue pour cette dernière un engagement grave. Afin de rétablir un certain équilibre dans ce contrat, le créancier s'est vu imposer des devoirs dont la caution peut invoquer le manquement pour résister au paiement. C'est notamment le cas du principe de proportionnalité, qui a été soumis à de nombreuses fluctuations, comme en témoigne cet arrêt de rejet rendu le 8 octobre 2002 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.
En l'espèce, le président du Conseil d'administration et le directeur général d'une société se sont portés cautions solidaires des engagements de cette société à concurrence d'une somme de 23 500 000 francs représentant 20 et 10% des prêts accordés par la banque. La société est ensuite mise en liquidation judiciaire et la banque réclame alors aux cautions l'exécution de leur engagement : ces dernières mettent en cause sa responsabilité en lui reprochant de leur avoir fait souscrire des engagements sans rapport avec leurs ressources, mais leurs prétentions sont rejetées par la Cour d'appel. Les cautions forment un pourvoi en cassation selon le moyen que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil en se fondant sur des profits fictifs pour apprécier la proportionnalité de l'engagement et en déboutant les cautions de leur demande sans étudier avec minutie l'étendue de leurs possibilités financières pour déterminer si leur engagement était proportionné ou non.
[...] Cette arrêt s'inscrit donc dans la continuité jurisprudentielle de l'arrêt étudié ainsi que de l'arrêt Macron rendu en 1997. De plus, d'autres arrêts précisent la portée de la solution étudiée : alors que la jurisprudence Nahoum avait clairement vocation à s'appliquer à la caution dirigeante de société présumé avoir connaissance de la situation de la société cautionnée, la question pouvait se poser pour des cautions ayant d'autres postes au sein de la société. C'est ce qui s'est produit avec une associée et secrétairecomptable qui s'était portée caution d'une société : à l'occasion de l'arrêt Vittoz, rendu le 11 juin 2003, la Cour a décidé que sa qualité, ainsi que ses relations avec l'établissement de crédit créancier, lui assuraient une parfaite information sur la situation financière de la société, ce qui la rendait capable d'évaluer le risque du cautionnement. [...]
[...] La Cour avait donc retenu l'existence d'une faute de la part de l'établissement bancaire et avait, à l'occasion de cet arrêt dégagé un mécanisme de compensation sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, relatif à la responsabilité contractuelle. La banque avait été condamnée, pour ne pas avoir respecté le principe de proportionnalité du cautionnement à verser des dommages et intérêts à la caution qui étaient venus compenser le montant de la dette. Il est intéressant de souligner qu'en l'espèce, la caution était le dirigeant de la société dont il s'était porté garant des dettes. [...]
[...] De plus, il faut noter que la sanction est très lourde puisque le texte prévoit que le créancier ne pourra pas se prévaloir d'un tel cautionnement : il sera donc nul. La loi, sur ce point aussi, contredit l'arrêt étudié qui prévoyait un système de dommages et intérêts puisque la démonstration de la déloyauté du créancier permettait de rechercher la responsabilité de la banque tout en maintenant la validité de l'engagement. A nouveau, la volonté de protéger la caution est très marqué mais semble se faire au détriment des intérêts du créancier. [...]
[...] Le projet Grimaldi3 qui propose une réforme du droit des sûretés, propose une solution plus satisfaisante sur ce point : l'article 2305 prévoit Le cautionnement souscrit à titre non professionnel par une personne physique est réductible s'il apparaît qu'il était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, à moins que ceux-ci, au moment où elle est appelée, ne lui permettent de faire face à son obligation. Ainsi, cet article présente deux avantages : il retient la sanction dégagée par la jurisprudence qui est ce système de réduction du cautionnement en cas d'engagement proportionné et ne prévoit cette distinction que pour les personnes physiques qui se sont engagées à titre non professionnel ce qui exclut donc les dirigeants de société. [...]
[...] La critique de cette jurisprudence, dont le domaine était trop large et qui remettait en cause la force obligatoire du contrat, explique la solution dégagée cinq ans plus tard à l'occasion de l'arrêt étudié. En effet, les faits sont similaires puisque les cautions garantissent solidairement les dettes de la société dont ils sont président du conseil d'administration et directeur et leur engagement s'élève à francs alors que le revenu mensuel d'une des cautions était de euros : il apparaît donc tout aussi disproportionné que dans le cas différent. Pour autant, la solution est radicalement différente puisque la mise cause en responsabilité de la banque est rejetée par la Cour. [...]
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