En s'intéressant à cette affaire, Monsieur Bénabent, insatisfait de la tournure qu'elle prenait, faisait part de son «espoir de la résistance», c'est ainsi que ses vœux furent entendus par le présent arrêt qui procède alors à une autocensure.
Le 3 février 2004, la première Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation relatif à l'obligation de restitution de l'emprunteur au sein d'un prêt à usage indéterminé.
En l'espèce, un prêt à usage d'un immeuble avait eu lieu entre deux frères. Suite au décès du prêteur, les héritiers demandèrent la restitution du bien auprès de l'emprunteur qui refusa. Ce dernier affirmait que le prêt fut consenti jusqu'à son décès, mais les juges du fond firent d'abord droit aux héritiers, leur donnant la faculté de résilier à tout moment sans exiger la preuve d'un besoin pressant et imprévu. Suite au pourvoi de l'emprunteur, les juges furent censurés pour ne pas avoir recherché si le besoin de l'emprunteur avait cessé, ainsi une seconde décision sur renvoi après cassation se conforma à cette solution.
[...] Au sein de cette même affaire, la première Chambre civile effectue un revirement sur sa première cassation, et confirme alors la solution de la première Cour d'appel ayant statué (CA Colmar, 1er juillet 1994). Là où en 1998, la Cour avait infléchi sa position en accordant la rupture du prêt par le juge, alignant le contrat de prêt d'usage au régime du prêt de consommation (article 1900), ici elle va encore plus loin en déduisant de l'obligation de restitution de l'emprunteur, un droit de résiliation unilatérale du prêteur (entendu au seul cas d'un prêt à usage permanent et indéterminé). [...]
[...] De plus, comme le souligne Monsieur Crône, le recours au juge prévu par l'arrêt de 1998 présentait l'avantage d'aboutir à une décision valant autorisation d'expulsion, c'était un élément d'efficacité quant à la restitution de la chose, qui n'est désormais plus possible directement. Le prêteur pouvant maintenant exiger la rupture n'est pas pour autant en droit d'expulser l'emprunteur de son immeuble d'habitation, pour cela il devra agir devant le juge. La Cour de cassation en voulant bien faire pour la protection du prêteur, a compliqué la pratique d'un milieu qui est essentiellement verbal. [...]
[...] En cas de défaillance de l'emprunteur à son obligation imposée par l'article 1875, le prêteur est sécurisé par cette action garante d'une restitution. L'avantage de cette solution est d'avoir rétabli «les frontières du prêt et de la donation, et, au delà, celles du contrat de bienfaisance et de la libéralité» (Professeur Cyril Noblot). Dès lors, le prêt à usage est soumis au droit commun des contrats à durée indéterminée imposant une telle faculté au main du prêteur : tous les contractants liés pour une durée indéterminée ont le droit de résiliation unilatérale (Civ juin 1996). [...]
[...] Cette solution peut être source d'un contentieux sur ce point : ainsi la tentative d'éloigner les parties à un prêt à usage du juge aura été vaine. L'emprunteur n'obtempérant face à la demande de rupture du prêteur conduira à une action en justice du prêteur. Cela aurait pu être évité si l'on avait laissé cette prérogative de rupture à la discrétion du juge, conformément à la jurisprudence de 1998. Le juge semblait plus apte à apprécier la durée du prêt en fonction des circonstances, lui aurait su respecter l'équilibre entre la satisfaction de l'usage de l'emprunteur et la nécessité restituer la chose au prêteur. [...]
[...] Déjà cette précision avait été prévue lorsque le prêt pouvait être rompu par le juge conformément à la jurisprudence de 1998 (Civ mai 2001). Cette exigence constitue un délai d'attente à respecter entre l'information de rupture émise à l'emprunteur et la date à laquelle la rupture sera effective. Elle constitue une protection contre d'éventuels abus du prêteur, pour des besoins pratiques l'emprunteur ne doit pas être surpris et trompé dans ses prévisions quant à l'utilisation de la chose : l'engagement dans un prêt à usage doit être un minimum effectif. [...]
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