Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 1er avril 2015, obligations des époux, organisation conventionnelle, contribution aux charges du mariage
Le doyen Carbonnier s'étonnait « qu'à une époque où le mariage s'était peut-être trop transformé en contrat, certains aient rêvé de transformer tout contrat en mariage. » En ce sens, il apparaît que le mariage raisonne essentiellement comme un contrat dans les esprits, contrat par lequel vont découler nombre d'obligations entre les époux qui semblent être très difficiles à contourner. Cette idée se traduit notamment par un arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 1er avril 2015.
En l'espèce, deux époux mariés sous le régime de la séparation des biens ont inséré dans leur contrat de mariage une clause de présomption de contribution aux charges du mariage selon laquelle chacun des époux « sera réputé s'être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage ». Les deux époux acquièrent en indivision le logement familial dont l'époux a financé la majeure partie. Le couple divorce et de ce fait, l'époux revendique une créance au titre du financement de l'immeuble indivis. La cour d'appel de Rennes, dans un arrêt rendu le 17 décembre 2013, déboute le demandeur en estimant que le solde du prix de vente de l'immeuble indivis doit être partagé entre les époux selon la quote-part détenue par chacun d'eux résultant de l'acte d'acquisition. L'époux s'est pourvu en cassation.
[...] Les notaires sont aujourd'hui de plus en plus sensibles à cette difficulté et sont invités par les auteurs à attirer l'attention des parties dès que des époux séparés de biens achètent un immeuble indivis. En d'autres termes, ils invitent les époux dès l'acquisition de l'immeuble à réfléchir sur les conséquences d'un financement qui ne serait pas parfaitement égal. En réalité, c'est dans l'hypothèse où les époux ont choisi un régime de séparation de biens que l'insertion d'une telle clause a le plus d'importance. Dans ce type de convention, la pratique notariale recommande des clauses, notamment lorsqu'il existe entre les conjoints une grande disparité de revenu. [...]
[...] Ainsi, l'époux demandeur devra justifier de l'emploi de l'intégralité de son salaire pour les charges du mariage et de l'absence de participation financière de son conjoint ou d'implication dans la gestion du foyer ou des enfants. Pour autant, il semble difficile, voire impossible, de démontrer a posteriori la contribution quotidienne de chacun aux charges du mariage. La reconnaissance d'une créance entre époux devient donc très aléatoire et le risque que la demande soit déboutée est important. Cependant, la Cour de cassation avait déjà admis la possibilité d'indemnités en considérant que l'épouse a bien surcontribué aux charges du mariage (Cour de cassation, 1re civ octobre 1982). [...]
[...] Cela met donc quelque chose de l'idéal communautaire dans la séparation de biens. Il ressort d'une jurisprudence constante que cette clause instaurant une présomption de contribution aux charges du mariage semble revêtir un caractère irréfragable qui, toutefois, mérite d'être nuancé. Le caractère irréfragable de la présomption de contribution aux charges du mariage Cette clause instaurant une présomption de contribution aux charges du mariage semble avoir une portée radicale comme a pu l'exprimer le professeur Jean Plassard. En effet, il s'agit vraisemblablement d'une présomption irréfragable qui revient à instaurer une fiction, comme cela a été précisé précédemment, pour le cas où en réalité un époux n'aurait pas contribué aux charges du mariage. [...]
[...] II) L'influence de l'esprit de communauté au sein d'un régime séparatiste Par l'arrêt du 1er avril 2015, la Cour de cassation atténue la différence entre le régime de séparation de biens et le régime de communauté en prenant en compte le logement familial dans la contribution aux charges du mariage même si l'époux conserve la possibilité de prouver qu'il a surcontribué La prise en compte du logement familial dans la contribution aux charges du mariage Dans un arrêt rendu le 30 octobre 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que les charges du mariage sont celles qui permettent de faire face aux besoins de la famille. Partant de cette logique, il semble alors évident que la première chambre civile, dans son arrêt rendu le 1er avril 2015, a pris en compte le caractère de logement familial de l'acquisition dans la contribution aux charges du mariage. Cette décision s'insère dans la continuité d'une jurisprudence constante sur ce sujet puisque la même décision avait déjà été rendue le 14 mars 2006 par la Cour de cassation. [...]
[...] On peut y voir une présomption visant à écarter toute réclamation concernant la contribution aux charges du mariage et la Cour de cassation parle de fiction pour cette clause. La portée de cette clause doit être appréciée différemment selon le régime matrimonial. Dans les régimes communautaires, ce type de clause est peu fréquent et sans grands intérêts puisque les acquêts comme les revenus des époux ont vocation à être partagés. Cette difficulté est spécifique aux époux séparés en biens. Dans les contrats de mariage de séparation de biens, on a pris l'habitude de prévoir une clause à propos des charges du mariage : Les époux seront sensés avoir contribué au jour le jour aux charges du mariage, si bien qu'aucun compte ne sera à faire à cet égard Cette clause a notamment été insérée dans le contrat de mariage de l'espèce commentée. [...]
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