L'arrêt de cassation de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 18 janvier 1967 illustre un mode d'extinction particulier des obligations, par le biais du mécanisme de la compensation pour dettes connexes, se distinguant alors de la traditionnelle compensation prévue au Code civil.
En l'espèce, une société civile immobilière a chargé une société à responsabilité limitée d'effectuer des travaux, celle-ci a toutefois pris du retard et doit dès lors à la SCI des indemnités de retard de travaux. Parallèlement, la SCI reconnaît devoir à la SARL des sommes au titre du solde de travaux. La Cour d'appel d'Aix en Provence, par un arrêt infirmant la décision d'un tribunal, refuse de faire jouer le mécanisme de la compensation entre les sommes réciproquement dues par chaque société. Elle estime en effet que bien que les dettes soient connexes, la dette de la SCI à l'égard de la SARL n'est ni liquide, ni exigible, ce qui empêche l'intervention de la compensation pour libérer les deux sociétés de leurs dettes respectives. Un pourvoi en cassation est formé.
[...] A cela la Cour de cassation répond par l'affirmative et casse l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence pour violation de la loi en affirmant dans un attendu de principe que lorsque deux dettes sont connexes, le juge ne peut écarter la demande en compensation au motif que l'une d'entre elles ne réunit pas les conditions de liquidité et d'exigibilité ; qu'il est tenu de constater le principe de cette compensation qui constitue pour les parties, une garantie, sauf à ordonner toutes mesures pour parvenir à l'apurement des comptes Ce faisant, la Cour de cassation admet la compensation de dettes connexes malgré l'absence de liquidité et d'exigibilité de l'une des dettes ce qui permet de mettre en avant la notion jurisprudentielle fonctionnelle de connexité L'admission de la compensation de dettes connexes à défaut de liquidité et d'exigibilité Cet arrêt procède à l'assouplissement des conditions traditionnelles de la compensation légale en présence d'un lien de connexité entre les dettes réciproques permettant de faire jouer de droit le mécanisme compensatoire L'assouplissement des conditions traditionnelles de la compensation légale L'alinéa 1er de l'art 1291 du Code civil dispose que la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent ou une certaine quantité de choses fongibles, de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles Il apparaît alors trois conditions nécessaires à l'intervention de la compensation qui sont : la fongibilité de l'objet des obligations, leur liquidité et l'exigibilité. A cela s'ajoute la condition de réciprocité des dettes aux termes de l'article 1289 du Code civil. Effectivement, cette condition de réciprocité procède de la définition même de la compensation. Il faut que les deux parties en présence soit simultanément et personnellement créancière et débitrice l'une de l'autre. Tel n'est pas le cas si une même personne est créancière à titre personnel et débitrice en une autre qualité. [...]
[...] Plus tard, la jurisprudence a franchi le cercle contractuel et a admis la connexité entre des obligations nées de contrats distincts, mais entre lesquels existait un lien économique suffisant dans un arrêt du 8 juillet 1971 ou encore d'un arrêt du 12 décembre 1995, qui rappelle toutefois que l'existence de relations commerciales entre parties n'est pas suffisante, il faut au moins que les obligations invoquées découlent d'un même ensemble contractuel ou convention-cadre. Par un arrêt surprenant, la jurisprudence a admis la compensation pour connexité entre une obligation contractuelle et une obligation délictuelle dont un contrat en a été l'occasion. [...]
[...] C'est donc bien la connexité qui est au cœur de cet arrêt admettant un mode de compensation assouplie, n'exigeant la réunion que de deux conditions légale sur quatre. Ce faisant, la Cour de cassation met en avant sa notion jurisprudentielle et fonctionnelle de connexité II) La mise en avant d'une notion jurisprudentielle fonctionnelle : la connexité La connexité est une notion jurisprudentielle fonctionnelle en ce qu'elle permet une ouverture du champ d'action de la compensation, renforçant sa fonction même de garantie Ce mode de compensation privilégié en présence de dettes connexes a été largement approuvé et réutilisé par la jurisprudence postérieure L'ouverture du champ d'action de la compensation, renforçant sa fonction de garantie L'ouverture du champ d'action de la compensation est significative en ce que par le biais du constat de la connexité, la compensation va pouvoir jouer dans des situations où elle n'aurait pu intervenir si le juge s'était borné aux traditionnelles conditions légales. [...]
[...] Passons dès lors à la deuxième condition propre à la compensation : la fongibilité. La compensation ne peut avoir lieu qu'en présence d'obligations ayant pour objet une somme d'argent ou une quantité certaine de choses fongibles, c'est-à-dire de choses interchangeables entre elles, que l'on peut compter, à l'inverse d'un corps certain qui est individualisé et ne peut être au cœur de la compensation. Cette dernière ne peut pas non plus avoir lieu en présence de choses fongibles, mais de natures différentes, ou entre une obligation en nature et une obligation en espèce. [...]
[...] C'est un effet de plein droit et le juge a l'obligation de déclarer l'intervention de la compensation fondée sur la connexité dès qu'une partie s'en prévaut. Cette obligation faite à l'office du juge apparaît clairement par les termes utilisés dans l'attendu de principe du présent arrêt du 18 janvier 1967 puisque la Cour de cassation dit que le juge ne peut écarter la demande en compensation et qu'il est tenu de constater le principe de cette compensation On voit dès lors que le juge n'a pas de marge d'appréciation pour accorder la compensation ou non s'il se trouve en présence de dettes connexes. [...]
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