La première chambre civile de la Cour de Cassation, dont l'une des ses nombreuses attributions est celle relative aux obligations et aux contrats civils, joue de plus en plus un rôle d'adaptation du droit aux évolutions économiques et sociales, même sur des questions très techniques.
L'arrêt rendu en date du 16 mai 2006 s'inscrit dans une continuité prétorienne en rappelant que lorsqu'une obligation est qualifiée d'alternative, elle «chasse la condition potestative», ce qui s'harmonise avec la place importante occupée par la liberté contractuelle.
En l'espèce, un contrat de dépôt-vente prévoyait que les marchandises confiées à son titre auraient été réglées au fur et à mesure de vente. Le contrat fixait également un délai, à l'expiration duquel le stock restant aurait été facturé à l'accipiens, sauf retour des pièces invendues.
Toutefois, comme à l'issue du délai, l'accipiens n'a ni payé le prix des marchandises éventuellement vendues, ni restitué le stock invendu, le tradens a sollicité sa condamnation au règlement du prix.
[...] La condition potestative est, dans sa définition issue de l'art du Code civil, celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher En l'espèce, la Cour d'appel a choisi de raisonner en termes de condition purement potestative : le débiteur aurait eu, donc, un pouvoir discrétionnaire qui se traduisait, s'agissant d'un contrat de dépôt-vente, dans la liberté de décider de l'éventuel retour du stock. Toutefois, nous devons rappeler que, sur le fondement de l'art du Code civil, lorsque une obligation a été consentie sous une condition potestative pour celui qui s'oblige, cette obligation sera nulle. [...]
[...] Pour résumer, retenir qu'il y a une obligation alternative et, donc en l'espèce que le contrat de dépôt-vente comporte une pluralité de prestations possibles assorties d'une faculté d'option, entraîne l'impossibilité d'opposer une potestativité interdite. Toute autre solution n'aurait que la conséquence de nier l'existence même de l'obligation alternative. II. Rationalité et pragmatisme de la Cour de Cassation en matière d'obligation alternative. En analysant cet arrêt, qui à une première lecture peut apparaître pauvre et dépouillé, nous ne pouvons ne pas relever la stricte application des textes qui a été opérée ainsi que l'approche très pratique qui a été retenue notamment en ne pas renvoyant l'affaire devant une nouvelle Cour d'Appel A. [...]
[...] Parallèlement, dans un arrêt du 3 juin 1966 la première chambre civile de la Cour de Cassation a qualifié d'alternative l'obligation de verser une rente viagère dont le créancier pouvait, à son choix, réclamer la revalorisation légale ou la revalorisation résultant de l'application d'une clause d'indexation. Donc, après avoir précisé ces questions préliminaires, nous devons nous demander quel est l'élément de proximité entre la condition potestative et l'obligation alternative : en effet, c'est cet élément qui entraîne parfois une confusion de qualification. [...]
[...] Effectivement, cette solution et, plus en général, cette position constante de la jurisprudence aura l'effet de contribuer à l'utilisation de l'obligation alternative, qui non seulement survivra mais connaîtra une nouvelle vitalité. De plus, nous ne pouvons ne pas reconnaître comme l'obligation alternative jouit du bénéfice d'être séduisante dans une époque où les impératifs de souplesse et adaptabilité envahissent tous les aspect de la vie, notamment de la vie contractuelle. Les engagements, désormais, ont encore vocation à être précis, biens-sur, mais aussi à être de plus en plus flexibles, souples et adaptés à la situation, aux exigences et aux atteintes de chaque contractant. [...]
[...] C'est le droit de la responsabilité qui sanctionne le défaut de restitution. Récemment, en effet, la chambre commerciale a jugé que l'annulation d'une cession d'actions de société confère au vendeur, lorsque la remise des titres en nature n'est plus possible, le droit d'en obtenir la remise en valeur (com juin 2005). Encore, nous pouvons rappeler que l'art du Code civil, dispose que «l'obligation alternative devient pure et simple, si l'une des choses promis périt et ne peut plus être livrée, même par la faute du débiteur Nous pouvons alors imaginer et supposer que les magistrats de la Cour de Cassation avaient eu connaissance d'une impossibilité tenant à la restitution des marchandises, sans doute en raison d'une perte, d'un vol ou d'une destruction des choses mêmes. [...]
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