Commentaire d'arrêt, Deuxième Chambre civile, Cour de cassation, 24 février 2005, responsabilité du fait des choses
L'arrêt rendu par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 24 février 2005 apporte un éclaircissement en matière de responsabilité du fait des choses et notamment de la spécificité des portes vitrées.
En l'espèce, une femme était dans l'appartement d'une autre femme et a heurté une porte vitrée fermée qui ouvrait de l'intérieur d'un appartement sur une terrasse. Celle-ci s'est alors brisée et l'a blessée.
La femme assigne en justice devant le tribunal de grande instance la propriétaire de l'appartement, son assureur en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, en réparation de son préjudice sur le fondement de l'alinéa premier de l'article 1384 du Code civil. Après le jugement en première instance, la Cour d'appel de Toulouse rend un arrêt le 25 juin 2002 déboutant la demande en réparation de son préjudice de la victime. Pour rejeter sa demande, les juges du fond retiennent que la requérante « s'est levée, a pivoté à 90°, s'est dirigée vers la terrasse, sans s'apercevoir que la porte vitrée coulissante était pratiquement fermée », et que le fait qu'elle soit fermée, même en période estivale n'est pas une position anormale. La Cour rejette le rôle actif de la chose dans le dommage causé à la victime, retenant le mouvement de cette dernière comme « cause exclusive ». La requérante déboutée se pourvoit alors en cassation contre la décision de la Cour d'appel pour avoir rejeté sa demande en réparation de son préjudice.
[...] Les différentes appréciations sont dues à l'absence de définition de l'anormalité par la Cour de cassation qui s'en réfère à l'appréciation souveraine des juges du fond. En laissant le critère d'anormalité à la libre et souveraine appréciation du juge du fond, ce critère dépend du cas d'espèce. L'appréciation est donc concrète et factuelle appartenant aux juges du fond en raison de la jurisprudence disparate. Les juges du fond n'ont pas retenu d'anormalité de la porte vitrée, contrairement aux hauts magistrats en raison de son anormalité Mais l'impact de l'anormalité peut également varier : si la Cour de cassation ne prend pas en compte ici le comportement de la victime, dans d'autres espèces il peut moduler le montant de la réparation. [...]
[...] En effet, les arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 23 mars 2000 et le 5 octobre semblaient écarter le critère d'anormalité au profit d'une simple intervention matérielle dans la réalisation du dommage, ainsi que celui rendu le 15 juin 2000 qui estime que le rôle actif réside dans le fait qu'elle se soit brisée, sans étudier le caractère anormal de la chose. L'arrêt étudié rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 24 février 2005 semble marquer un rétablissement définitif de l'exigence d'anormalité (Civ mars 2012, Civ déc. 2012). Néanmoins, la Cour renoue avec la jurisprudence antérieure dans une certaine mesure. [...]
[...] Dans le cas des portes vitrées, lorsque la porte est suffisamment signalée (Civ mai 1986) ou lors d'une faute d'inattention de la victime dans un lieu qu'elle connaissait (Civ février 2004), la responsabilité du gardien de la chose peut être engagée, mais dans une moindre mesure. Il est donc difficile de prévoir si le caractère anormal de la chose va être ou non retenu, ce qui est source d'insécurité juridique. [...]
[...] Si l'appréciation de l'anormalité appartient aux juges du fond, car il s'agit d'appréciation de faits, la Cour de cassation est habilitée à contrôler la solution de la cour d'appel. Elle utilise les termes qu'en statuant ainsi et qu'il résultait En l'espèce, la Cour de cassation s'attache à l'anormalité de la porte vitrée qui découle non pas de sa position, mais de sa fabrication, qui marque un revirement de jurisprudence par rapport à la jurisprudence des années 2000. Le retour jurisprudentiel de l'anormalité d'une porte vitrée Dans sa solution, la Cour de cassation marque son parti pris d'analyser l'anormalité de la porte vitrée en raison de son anormalité En déduisant l'anormalité du fait que la porte vitrée se soit brisée et qu'elle était fragile elle entend dans un sens plus large que la cour d'appel le critère d'anormalité : elle prend en compte sa fabrication et donc les caractères intrinsèques de la chose. [...]
[...] En rétablissant l'exigence d'anormalité, les problèmes d'interprétation se posent quant à la définition du critère constituant une source d'insécurité juridique. II) Les difficultés d'appréciation de l'anormalité comme source d'insécurité La Cour de cassation casse la solution de la cour d'appel pour violation de la loi en ce qu'elle n'a pas reconnue de caractère anormal à la chose ; le débat entre la cour d'appel et la Cour de cassation témoigne de l'absence de consensus en la matière La cassation de l'appréciation stricte de l'anormalité La Cour de cassation effectue un contrôle normatif sur le fondement de l'alinéa premier de l'article 1384 du Code civil de la décision de la cour d'appel qu'en statuant ainsi la cour a violé le texte susvisé Elle apprécie la décision de la cour d'appel au regard de la loi statuant qu'elle n'avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations alors qu'il résultait de ses propres constatations et a violé la loi. [...]
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