1382, Code civil, faute, l'alinéa 4 de l'article 1384, responsable, dommage, Gulsum, faute commise par un mineur, imputabilité, mineur, conception subjective, anomalie, conception objective, Derguini, Lemaire, 19 février 1997
L'article 1382 du Code civil, disposant que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer », constitue le fil conducteur de la responsabilité civile extra-contractuelle. Or, étant très général, cet article ne vise pas les cas spéciaux. C'est pour cette raison que l'article 1384 du Code civil vient élargir cette pensée pour envisager des cas spécifiques. C'est notamment l'alinéa 4 de l'article 1384 qui éclaircit les règles dans le domaine de la responsabilité de l'enfant mineur. Il prévoit que « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. » Mais jusqu'où va cette responsabilité des parents de leur enfant mineur ? Un mineur en bas âge, privé de discernement, peut-il commettre une faute bien qu'il soit inconscient de ses actes ? Pothier, inspirateur du Code civil, raisonne que « celui qui n'a pas de discernement, n'est capable ni de malignité, ni d'imprudence ». La thématique du discernement de l'enfant mineur se trouve au cœur de l'arrêt rendu le 19 février 1997 par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation qui se prononce ainsi sur l'imputabilité morale de la faute chez les mineurs.
[...] C'est une position largement contestable. I Le rejet de la qualité de discernement comme condition de la responsabilité civile personnelle des mineurs La Cour de cassation rejette la conception subjective pour apprécier la faute d'un enfant mineur et inscrit ainsi sa solution dans la philosophie actuelle d'objectivisation de la faute civile A Une conception subjective de la faute mise à l'écart Une disparition de la condition d'imputabilité morale chez les mineurs En l'espèce, une fille âgée de 8 ans a été blessée en se rapprochant d'une balançoire qu'utilisait sa camarade. [...]
[...] Un raisonnement emprunté d'un autre domaine Avant 1968, le dément ne pouvait pas voir sa responsabilité mise en jeu. Il était protégé par la loi en raison de son caractère d'« anomalie Or, une réforme législative de 1968 a effacé le statut spécial du dément et l'a rangé dans la catégorie des personnes conscientes. Le législateur a introduit un nouvel article (489-2) dans le Code civil qui admet la responsabilité civile du dément : Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation En résumant, l'enfant en bas âge comme le dément peuvent être déclarés responsables de leurs actes fautifs. [...]
[...] Pourquoi pas un adoucissement en faveur des infants victimes ? Si on a vu dans l'arrêt à commenter que l'infans victime est fautif et donc la responsabilité est partagée, il y a aussi des cas où l'infans victime est indemnisé même s'il est fautif. C'est notamment la loi du 5 juillet 1985 concernant les accidents de circulation qui crée un régime spécial pour les mineurs de moins de 16 ans. Ici, la responsabilité est favorable à l'enfant victime mineur. D'ailleurs, comme la décision de l'arrêt à commenter a des répercussions, et pas des moindres, certains auteurs ont suggéré d'introduire dans l'appréciation de la faute de l'enfant mineur certains éléments qui attestent la situation de la faiblesse dans laquelle le mineur se trouve par exemple la peur que pouvait lui inspirer la situation. [...]
[...] Plus précisément, une faute commise par un mineur, peut-elle être retenue à son encontre bien qu'il soit incapable de discerner les conséquences de ses actes ? Le 19 février 1997, la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi en approuvant la décision rendue par la Cour d'appel de Lyon dans la mesure où cette dernière a retenu le partage de la responsabilité. La haute juridiction raisonne que la faute d'un mineur peut être retenue à son encontre même s'il est incapable de discerner les répercussions de ses actes. [...]
[...] L'examen de conscience devient alors un examen de conduite, et il n'existe plus d'objection à reconnaître la responsabilité personnelle du mineur. Cette conception objective de la faute prend appui sur l'affirmation de la fonction réparatrice du droit delà responsabilité civile. Cette dernière n'a pas pour but de sanctionner l'auteur du fait dommageable, en revanche elle veut faciliter la compensation des dommages. Si on transpose cette pensée au cas de l'infans, alors elle aboutit au maintien de la responsabilité individuelle en éradiquant toute idée de culpabilité chez l'enfant. [...]
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