Les juristes français se sont abondamment demandé, sur quel fondement s'appuyer afin de condamner une entreprise de loterie qui fait croire à autrui, l'illusion d'un gain sans toutefois l'honorer. Il est aujourd'hui commun pour ce dernier, de se référer au droit des obligations. Toutefois, si le cadre est défini, la qualification de l'attitude de l'entreprise de loterie peine à trouver une stabilité juridique. C'est ce que montre en l'espèce, cet arrêt de cassation, rendu par la Chambre mixte de la Cour de cassation, le 6 septembre 2002.
Mr X est le destinataire d'un courrier provenant de la société de vente par correspondance Maison Française de Distribution. Cette dernière lui annonce être le gagnant de la somme de 105 750 francs, pourvu qu'il remplisse certaines conditions dans les délais établis. Une fois acquitté de ses obligations, l'intéressé retourne le courrier sans recevoir, en retour, un quelconque lot.
Mr X assigne donc en justice la société à l'origine du courrier pour publicité trompeuse et réclame la délivrance du gain ainsi que le paiement de l'intégralité de la somme. Se greffe à cette assignation, celle de l'UFC Que Choisir, qui demande, à titre de réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs, le paiement de la somme de 100.000 francs de dommages et intérêts.
Les juges du fond considérèrent qu'en envoyant une publicité volontairement fallacieuse, la société organisatrice s'était exposée à une faute à l'origine d'un préjudice moral, obligeant celle-ci à verser 5.000 francs de dommages et intérêts à Mr X et un franc symbolique à l'UFC.
[...] À l'inverse, il est très favorable à sa victime (trop Le but du quasi-contrat est ainsi détourné de son motif originel à savoir le rééquilibrage de valeurs entre deux patrimoines. Ici en effet, ni la société ni la victime ne se sont enrichies ou appauvries. La première n'a rien envoyé, ni rien reçu, de même que pour la seconde. Son but est ici affiché : sanctionner le malhonnête au profit du plus faible. L'on peut saluer évidemment ce nouveau quasi-contrat, et sa protection offerts à la victime, tout en signalant son caractère déséquilibré au profit de la partie la plus faible. [...]
[...] Ainsi donc, la Cour de Cassation vient-elle de créer une nouvelle catégorie de quasi-contrat. Cela n'est guère étonnant au regard de ses précédentes créations jurisprudentielles en la matière, en atteste la catégorie intitulée enrichissement sans cause En l'espèce, la Cour de Cassation fait quasi contrat, toute annonce de gain à une personne dénommée, sans mise en évidence d'existence d'un aléa et oblige ainsi la personne à l'origine de l'annonce, à délivrer le gain susdit. Pour appartenir à cette nouvelle catégorie, plusieurs conditions semblent être requises. [...]
[...] En négatif de la Cour d'appel, elle qualifie ainsi l'attitude de la société comme relaxant d'un quasi-contrat. La Cour de cassation semble ainsi trancher la question de la qualification de l'attitude de la société à l'origine de l'envoi du courrier fallacieux, trompeur. Il convient donc d'étudier, d'une part l'intérêt de la nouvelle qualification jurisprudentielle de l'attitude de la société incriminée avant de se pencher, d'autre part, sur son rôle fondamental dans la condamnation d'une société malhonnête Dans cet arrêt de principe à l'issue retentissante, la Cour de Cassation entreprend une qualification juridique du comportement de la société, à l'opposée de ses précédentes positions. [...]
[...] C'est donc bien à propos de la qualification de l'attitude de la société, que l'avis de la Cour de Cassation tranche avec celui de la Cour d'appel. En effet, dans le délit comme dans le quasi-contrat, la responsabilité de la société reste mise en cause, elle ne fait aucun doute. La Cour de Cassation, véritable juge du droit, ne fait finalement que déplacer le fondement permettant cette condamnation. Elle valide ainsi le raisonnement de la Cour de Paris La cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite mais préfère baser sa propre argumentation sur un autre fondement légal. [...]
[...] C'est ce qu'elle tente de justifier à l'UFC Que Choisir, qui refuse son franc symbolique en guise de réparation sous prétexte qu'il est ridiculement éloigné de l'évaluation du préjudice subi par les consommateurs. Selon la Cour, cet écart est justifié par la qualification délictuelle. L'objectif de la cour de Cassation est donc clair : condamner la société sous le couvert du quasi-contrat afin que le dédommagement de la victime corresponde, tel que le voulait Mr à la somme du gain espéré, bref que Mr touche 105.750 francs de dommages et intérêts, somme qu'il devait toucher à l'origine, mais que la société s'est refusée à verser. [...]
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