Par un nouvel arrêt en date du 13 septembre 2011, la Cour de cassation vient rappeler avec force la vigueur de sa position quant à l'absence d'exécution forcée de la promesse unilatérale de vente, ainsi que la Troisième Chambre civile l'avait fait quelques mois auparavant par une décision du 11 mai 2011, témoignant de la volonté ferme de maintenir et d'asseoir une solution pourtant assez controversée. En l'espèce, le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente avait levé son option avant l'expiration du délai contractuellement fixé, mais après la rétractation du promettant. La Cour d'appel avait privé de tout effet la rétractation, considérant que l'offre du promettant était irrévocable en l'absence de dispositions dans la promesse unilatérale de vente autorisant la rétractation de celui-ci et jugé que la vente promise était parfaite. La question ainsi posée à la Chambre commerciale était celle de savoir si la levée d'option du bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente après la rétractation de l'engagement du promettant, mais dans le délai stipulé dans la promesse pouvait emporter réalisation forcée de la vente ?
Fidèle à sa jurisprudence, la Cour de cassation censure l'arrêt des juges du fond, au visa des articles 1101, 1134 et 1583 du Code civil, au motif que « la levée d'option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée ».
[...] Dans le présent arrêt, la chambre commerciale amorce un léger revirement de jurisprudence : l'arrêt ne se fonde plus sur l'article 1142 du Code civil, mais est rendu au visa des articles 1101 relatif aux conditions de formation du contrat qui consacre le principe de la force obligatoire du contrat et 1583 du Code civil qui s'intéresse à la formation du contrat de vente en particulier, et fait ainsi l'économie de l'analyse de la nature de l'obligation que le promettant a souscrite et n'a pas exécutée. Ce choix de fondement indique nettement que la Haute Cour chercher à se placer sur le terrain de l'échange des consentements et de la formation du contrat de vente. La rétractation du promettant empêche ainsi la rencontre des volontés, de sorte que le contrat n'a pu se former, et par conséquent ne peut faire l'objet d'une exécution forcée. Ce changement de fondement de la Cour de cassation témoigne d'une volonté affichée d'exclure la réalisation forcée de la vente. [...]
[...] En permettant au promettant d'anéantir l'option du bénéficiaire selon sa seule volonté, la Cour de cassation prive le contrat de promesse unilatérale de vente de sa sécurité. En effet, elle se caractérise désormais par la liberté d'acquérir du bénéficiaire, mais également par la liberté de ne finalement pas exécuter la vente par le promettant qui pose la question de l'assimilation de la promesse unilatérale de vente à l'offre. En effet, la motivation de l'arrêt du 13 septembre 2011 de la chambre commerciale prive de son intérêt la pratique de la promesse unilatérale de vente, puisque son exécution dépend désormais de la volonté de chacune des parties, en dépit du consentement déjà exprimé du promettant à la vente. [...]
[...] Cette solution s'explique par la méfiance des juges de la Cour de cassation à l'égard du consentement donné par anticipation. Les auteurs ont cherché à expliciter cette position, en faisant valoir que la promesse unilatérale vente s'apparentait à un contrat original et autonome qui, s'il est résilié par le promettant qui rétracte son engagement, emporte inexécution de l'obligation lui incombant, mais qu'en aucun cas elle ne pouvait avoir pour conséquence la conclusion du contrat préparé. C'est précisément cela qui a motivé la chambre commerciale à rendre cet arrêt en jugeant que la vente ne pouvait être parfaite faute d'échange de consentement à celle-ci. [...]
[...] Pourtant, une décision du 8 septembre 2010 rendue par la Cour de cassation avait été analysée comme un commencement d'abandon de la solution traditionnelle du rejet de l'exécution forcée en nature de la promesse unilatérale de vente. En effet, pour censurer un arrêt d'appel dans lequel les juges du fond avaient débouté le bénéficiaire de sa demande en exécution forcée de la vente promise, à la suite du décès du promettant, faute d'un nouveau consentement exprimé par l'héritier mineur de celui-ci, la troisième chambre civile avait affirmé que le promettant avait définitivement consenti à la vente, et qu'ainsi la levée d'option du bénéficiaire de la promesse valait échange des consentements réciproques. [...]
[...] Toutefois, il est intéressant de noter que la Cour de cassation, si elle considère que la levée d'option postérieure à la rétractation du promettant est exclusive de toute rencontre des volontés réciproque de vendre et d'acquérir, elle fait référence à l'absence de clause d'exécution forcée dans la promesse. La cour d'appel remarque en effet que l'offre était irrévocable en l'absence de disposition dans la promesse de vente autorisant la rétractation. Ainsi, l'insertion de clauses contractuelles prévoyant l'exécution forcée de la promesse en cas de rétractation du promettant semble compatible avec la solution de la chambre commerciale, sous réserve qu'elles ne se contentent pas, comme l'a expressément énoncé la troisième chambre civile dans un arrêt du 27 mars 2008, de préciser que le promettant souscrit un engagement ferme, définitif et irrévocable, mais qu'elles indiquent la nature de la sanction de la violation de son engagement. [...]
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