Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 12 novembre 2008, délivrance, garantie de la chose vendue
Le vendeur est tenu de deux séries d'obligations, dont certaines sont typiques, spécifiques du contrat de vente.
Parmi elles, les principales sont les obligations de délivrer et de garantir la chose vendue.
Cependant, peut se poser la question de savoir si la chose livrée doit être livrée en tant que telle ou selon les attentes particulières de l'acheteur, le délai pouvant varier d'une exigence à l'autre.
C'est à ce problème qu'ont été confrontés les juges de la Chambre commerciale à l'occasion d'un arrêt rendu le 12 novembre 2008.
À l'origine de cet arrêt se trouve la vente par une société à une autre de la vente d'un matériel industriel de découpe, relativement sophistiqué, mais également d'occasion et ancien.
La machine est livrée, mais plusieurs interventions d'un technicien du vendeur sont nécessaires avant la mise en service prévue par le contrat et la machine n'est finalement opérationnelle que le mois suivant sa livraison.
[...] Dans l'esprit du Code civil, cette délivrance doit être entendue comme une mise à disposition de l'acheteur de la chose par le vendeur. L'articulation entre ces deux notions d'obligation de délivrance d'une part et d'obligation de garantie d'autre part a connu certaines évolutions jurisprudentielles. La distinction étant relativement compliquée, la jurisprudence adopta, dans les années 70, une tendance qualifiée de moniste opérant ainsi un effacement du clivage entre délivrance et garantie. Ainsi, la Cour de cassation (la première chambre civile le plus souvent) admettait alors tantôt l'obligation de délivrance, tantôt la garantie contre les vices cachés. La délivrance était ainsi entendue largement. [...]
[...] Cet arrêt pose la question de savoir si le vendeur peut être sanctionné si la période avant la mise en état de fonctionnement de la chose vendue apparaît comme excessive, alors même que la chose a été livrée dans les temps. L'arrêt ne semble pourtant pas réellement répondre à cette question et, par un raisonnement pour le moins surprenant, semble s'écarter du véritable problème. Cet arrêt surprenant est critiquable à plusieurs niveaux, tout d'abord et surtout par l'absence de rigueur des juges du fond dans leur raisonnement mais également par la focalisation du juge sur la question d'un délai raisonnable dans la livraison de la chose, la réflexion du juge sur ce point étant d'ailleurs entachée d'une confusion (II). [...]
[...] En effet, même si elle ne répond pas à l'essence du pourvoi, cet arrêt a tout de même un apport (limité certes pour la pratique), à savoir la réaffirmation d'un principe déjà évoqué par la jurisprudence antérieure. II) : La focalisation du juge sur la question du délai raisonnable de livraison : Les juges, se focalisant ici sur le temps de livraison s'imposant au vendeur, dégagent la nécessité du caractère raisonnable de ce temps de livraison cependant, ils semblent opérer une confusion entre délai de délivrance de la chose vendue, et délai de jouissance utile : L'apparition d'un caractère dit raisonnable de livraison de la chose soumit au contrôle des juges du fond : La Cour de cassation affirme qu'« à défaut de délai convenu il appartient aux juges du fond de déterminer le délai raisonnable dans lequel le vendeur devait délivrer la chose vendue Cette affirmation appelle certaines observations. [...]
[...] En effet, le silence ne rend pas une convention incomplète et il n'est pas entièrement vide de sens. Ainsi, le silence a plutôt pour conséquence de rendre une obligation immédiatement exigible lorsqu'il touche le moment ou celle-ci doit-être exécuté. C'est d'ailleurs en ce sens que se positionnait autrefois la doctrine, affirmant que si le contrat est muet sur le moment de la délivrance l'acheteur peut exiger que la chose lui soit délivrée sans délai La doctrine contemporaine semble également se ranger de coté là, ainsi, même s'il tient compte de la jurisprudence et de son évolution, le professeur Huet n'hésite pas à affirmer qu'« à défaut de précision dans le contrat, l'exécution immédiate devrait s'imposer Ce pouvoir accordé au juge semble donc être à contre-courant en instaurant cette notion. [...]
[...] : Confusion entre délai de délivrance et délai de jouissance utile : Le délai qu'évoque la Cour de cassation est le délai de mise à disposition de la chose, c'est-à-dire de transmission de la chose en la puissance du propriétaire. Or, ce que la Cour ne semble pas avoir compris est que le délai en question dans le pourvoi est ce que l'on appelle le délai de jouissance utile. Ce principe, d'abord principalement doctrinal a peu à peu été repris par la jurisprudence, notamment par un arrêt par la première chambre civile[9] de la qui concernait la vente d'un décodeur devant pouvoir permettre de regarder les programmes de la télévision numérique terrestre or celui fonctionnait mal avec la nouvelle TNT qui allait arriver, la Cour avait alors jugé que du fait que le décodeur n'était pas en mesure d'être utilisé pour la fin qui avait poussé l'acheteur à l'acquérir, il n'était pas conforme. [...]
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