La présente décision de la Cour de cassation du 12 janvier 2010 tranche l'épineuse question des exceptions opposables au cessionnaire après la signification de la cession au débiteur cédé.
En l'espèce, le propriétaire et bailleur d'un immeuble (la société Kalenda) avait cédé à l'un de ses créanciers (la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Lamentin ou Semavil) les loyers dus par son locataire (la société Sodexca) pour une période déterminée. Le cessionnaire avait signifié la cession des créances de loyers au locataire débiteur cédé qui avait ultérieurement refusé de payer les loyers, arguant de l'inexécution par le bailleur de son obligation de jouissance paisible.
Tout d'abord en référé, puis en appel (CA Fort-de-France 7 août 2008) la cour a retenu a bon droit ; d'une part, que le locataire pouvait opposer au cessionnaire l'exception d'inexécution, et d'autre part, que le cédant, bailleur, s'était engagé, nonobstant les travaux en cours, à assurer au locataire la jouissance paisible des lieux loués dans les termes et conditions définis dans un protocole d'accord, et qu'il résultait de plusieurs constats d'huissier de justice que le bailleur ne respectait pas ses obligations ;les juges ont rejeté la demande de paiement formée contre le locataire (Sodexa) par le cessionnaire (la Semavil), ce dernier a donc entrepris un pourvoi à la haute juridiction.
[...] Or, sous ce nouvel angle, il apparaît que l'on peut définir plus précisément l'exception inhérente à la dette comme l'exception qui résulte de l'acte ou du fait générateur de la créance à laquelle cette exception s'applique. Dès lors, si la créance est contractuelle, l'exception qui lui est inhérente sera celle qui résulte du contrat d'où est issue cette créance, que cette exception soit tirée de la formation ou de l'exécution du contrat. À l'inverse, les exceptions qui ne résultent pas du contrat d'où est issue la créance doivent être définies comme des exceptions extérieures à cette créance. [...]
[...] Commentaire d'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 janvier 2010 : exceptions opposables au cessionnaire après la signification de la cession au débiteur cédé La présente décision de la Cour de cassation du 12 janvier 2010 tranche l'épineuse question des exceptions opposables au cessionnaire après la signification de la cession au débiteur cédé. En l'espèce, le propriétaire et bailleur d'un immeuble (la société Kalenda) avait cédé à l'un de ses créanciers (la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Lamentin ou Semavil) les loyers dus par son locataire (la société Sodexca) pour une période déterminée. [...]
[...] À cela, elle répond par l'affirmative, en effet, dès lors que cette exception est inhérente a la dette, celle-ci peut être opposé au cessionnaire quelque soit la date de sa naissance. Pour l'analyse de cet arrêt, il conviendra de s'arrêter dans un premier temps sur la notion d'exception inhérente à la dette trancher ici pour la première fois par la haute juridiction en matière de cession de créances. En effet, la cour fonde ici sa solution sur cette notion, et elle en fait dans un second temps un critère pour qualifier les exceptions appliquées à la solution de l'espèce. [...]
[...] En effet, la créance à exécution successive est née lors de la conclusion du contrat et seule son exigibilité est reportée dans le temps, à des échéances déterminées. À l'inverse, la créance future correspond à une créance à naître, pour laquelle le contrat qui en constitue la source n'est pas encore conclu, la créance future étant par conséquent liée à un contrat lui-même futur. Ainsi, bien que les obligations réciproques d'un contrat à exécution successive n'aient pas encore été exécutées, les créances qui en sont la contrepartie naissent à la date de conclusion du contrat et sont analysées comme des créances à terme. [...]
[...] Il apparaît que la notion d'exception inhérente à la dette n'est pas inconnue en matière de cession de créances. Elle y a été appliquée en des termes quasiment équivalents, au XIXe siècle, par la Cour de cassation qui considérait que le débiteur cédé pouvait opposer au cessionnaire les vices inhérents à la créance cédée Ainsi la Cour de cassation avait- elle décidé, à propos d'une diminution de loyer due à une privation de jouissance du preneur en raison de travaux tardifs entrepris par le bailleur, que si l'acceptation de la cession par le débiteur ne lui permet plus, en principe, de compenser les créances qu'il pourrait avoir contre le cédant (elle) ne lui enlève pas le droit d'opposer au cessionnaire, comme il aurait pu le faire vis-à-vis du cédant, les vices inhérents à la créance cédée Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait écarté la compensation (de dettes connexes) qui ne pouvait plus être opposée par le débiteur du fait de son acceptation de la cession de créances, pour retenir implicitement une exception d'inexécution, sur laquelle était fondée la réduction proportionnelle de la créance réciproque de loyers, qualifiée de vice inhérent à la créance cédée afin que cette exception puisse être opposée au cessionnaire. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture