La conformité du contrat aux exigences sociales, Commentaire d'arrêt : cass. 1re civ. 3 mai 2006
Une loi du 10 janvier 1978 considérait comme abusives les clauses qui apparaissaient imposées au non-professionnel ou consommateur par un abus de la puissance économique de l'autre partie et qui conférait à cette dernière un avantage excessif. Cette définition des clauses abusives a été modifiée par la loi du 1er février 1995. En effet, désormais est abusive une clause qui conduit à la création d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 3 mai 2006 est relatif à l'appréciation du caractère abusif d'une clause.
Un rallye automobile avait été organisé par une société et les pilotes du rallye ont conclu un contrat d'engagement avec la société dans lequel figurait le règlement de l'épreuve. Un accident est survenu à l'occasion de ce rallye et le coéquipier d'un pilote est décédé. Le pilote a demandé à être garanti par la société des condamnations prononcées contre lui en réparation des préjudices subis par les ayants droit de son coéquipier et non couverts par la compagnie d'assurance de leur véhicule.
Le pilote a formé un pourvoi en cassation en invoquant le manquement de la société organisatrice à son obligation de vérification des documents, dont l'attestation d'assurance, exigée des participants, par le règlement de l'épreuve. La cour d'appel de Lyon l'a débouté au motif que les clauses élusives litigieuses ne portaient pas sur les obligations essentielles du contrat d'engagement souscrit par les participants au rallye. Les clauses dont il était question portaient sur l'exonération de la société organisatrice de toute responsabilité à l'égard des participants au rallye.
Il s'agit donc pour la Cour de cassation de savoir si les clauses abusives peuvent porter sur des obligations non essentielles du contrat d'engagement.
La première chambre civile a alors répondu que l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne dépend pas du caractère principal ou accessoire de l'obligation contractuelle concernée. En effet l'art. L. 132-1 c. consom. détermine l'élément constitutif de la clause abusive, c'est-à-dire le déséquilibre significatif de la clause, et les personnes protégées, c'est-à-dire le non-professionnel ou le consommateur. Ce sont les deux conditions pour déclarer une clause abusive. Comme la cour d'appel a retenu que les clauses ne portaient pas sur des obligations essentielles, alors elle n'a pas apprécié le caractère des clauses par rapport à l'élément constitutif et aux personnes protégées. Ainsi la Cour de cassation a cassé la partie de la décision qui concerne la clause litigieuse.
[...] Mais en 1993 la haute juridiction a exclu un professionnel du champ d'application de la loi protectrice des consommateurs au motif que le contrat avait été conclu entre professionnels. De plus dans un arrêt rendu le 24 janvier 1995 la 1re chambre civile a déclaré que l'art. L. 132-1 c. consom. ne s'applique pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant. Ainsi le critère de l'exclusion est le rapport direct avec l'activité professionnelle, c'est à dire quand le contrat conclu est nécessaire pour l'exercice de la profession ; ce rapport est apprécié souverainement par les juges du fond Par ailleurs, c'est en 1991 que la cour de cassation a décidé que l'identification des clauses abusives pouvait s'effectuer par elle-même sans qu'un décret ait au préalable interdit cette clause. [...]
[...] Cependant, comme il a été expliqué précédemment, la solution ne paraît pas exactement cohérente avec la jurisprudence précédente car elle fait une application de l'art L. 132-1 c. consom. alors la clause concerne deux professionnels ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée. [...]
[...] Par conséquent, on peut en déduire que pour la première chambre civile, le fait d'exonérer le professionnel de toute responsabilité à l'égard du non-professionnel crée un déséquilibre significatif. On peut alors s'interroger sur la portée d'une telle décision, se demander si cette clause crée réellement un déséquilibre significatif. Mais la société organisatrice avait l'obligation de vérifier les documents, dont l'attestation d'assurance, exigée des participants. Et ce manquement de la société a conduit le pilote à réparer les préjudices subis par son co-pilote. Ainsi, il résulte que l'exonération de la responsabilité de la société à l'égard des participants apparaît contradictoire avec l'obligation de vérification des documents. [...]
[...] à tout le contenu du contrat. Cependant, cette possibilité semblait déjà s'entrevoir par l'alinéa 7 qui dispose que : l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix [ ] Donc une clause abusive peut porter sur n'importe quelle obligation du contrat, le caractère principal ou accessoire n'étant pas retenu. Ainsi, il s'agit de garantir la protection de la partie faible et d'assurer l'équilibre entre les deux contractants dans tout le contenu du contrat. [...]
[...] Malgré tout, le juge fait preuve d'une sévérité sans excès pour remédier à l'imprécision du texte législatif. La décision du 3 mai 2006 suit donc ce courant jurisprudentiel. Le juge a désiré protéger le participant du rallye. Cette solution paraît opportune car elle précise que le caractère abusif peut ne pas porter que sur des obligations essentielles, et logiques, car c'est la société qui organise le rallye, et c'est donc à elle d'être responsable des éventuels dommages subis par les participants. [...]
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