Cet arrêt a été rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 3 mai 2000, et porte sur les conditions d'application de l'obligation d'information et de « bonne foi », et le cas échéant de caractérisation de la réticence dolosive, incombant aux cocontractants lors de la signature d'un contrat de vente.
En l'espèce, Mme Boucher, la venderesse, cède en 1986 aux enchères publiques cinquante photographies de Baldus, au prix unitaire de 1000 francs.
En 1989, soit trois ans plus tard, cette dernière retrouve l'acquéreur des photographies vendues en 1986, et lui vend successivement trente-cinq puis cinquante autres photographies du même auteur pour le même prix unitaire alors fixé au cours de la vente aux enchères de 1986. Mme Boucher apprend ultérieurement que Baldus est un photographe de grande notoriété, ce qu'elle ignorait lorsqu'elle a vendu les photographies en 1989, et ce que l'acheteur savait pertinemment. Les prix de vente alors pratiqués ont donc été « sans rapport » avec ceux pratiqués sur le marché de l'art.
La venderesse porte plainte et une information pénale est ouverte pour escroquerie. Celle-ci est close par une ordonnance de non-lieu. Mme Boucher assigne donc son acheteur en nullité des ventes des photographies pour dol.
Le 5 décembre 1997, la Cour d'appel de Versailles fait droit à sa demande, et condamne l'acquéreur à payer 1 915 000 francs, somme représentant la restitution en valeur réelle des photographies vendues lors des ventes successivement opérées, et ce, après déduction du prix de vente d'un montant de 85 000 francs alors encaissé par la venderesse lors des ventes de 1986 et 1989. Non satisfait de la décision rendue en 1997, l'acheteur se pourvoi en cassation.
Le silence observé par l'acheteur concernant sa connaissance de la valeur réelle de l'objet de la vente est-il constitutif d'un dol et peut-il alors précisément être constitutif d'une réticence dolosive ?
[...] La Cour d'Appel procède notamment à l'application large et globale du régime et des critères constitutifs de la réticence dolosive au cas d'espèce. L'Article 1116 du Code civil restant lui-même assez vague et peu précis, il est par ailleurs source de nombreuses divergences de jurisprudence : Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté Sur un plan économique, il est en effet souhaitable en principe que les informations unilatéralement détenues soient transmises afin d'assurer la transparence. [...]
[...] La déloyauté (ou le manquement à contracter de bonne foi) est donc un autre fondement de la réticence dolosive. Cependant, la notion d'obligation de contracter de bonne foi est parfois instrumentalisée L'exemple du cautionnement peut étayer cette thèse, car il y a dans ce cas un lien dégagé entre cette obligation et la position des parties au contrat. Le cautionnement est généralement conçu comme une convention mettant en présence des parties de forces et de compétences inégales. L'obligation de contracter de bonne foi permet de rétablir l'équilibre entre les parties : la partie supposée forte est chargée d'une obligation de bonne foi, d'une sorte d'obligation de collaboration précontractuelle, au profit de la partie présumée en situation d'infériorité économique. [...]
[...] Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté Le silence observé par l'acheteur concernant sa connaissance de la valeur réelle de l'objet de la vente est-il constitutif d'un dol et peut-il alors précisément être constitutif d'une réticence dolosive ? La Cour de cassation a décidé en faisant jurisprudence qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur I. La décision de la Cour d'Appel en faveur de la protection du consentement des parties en cas de dol Selon la Cour d'Appel de Versailles, il y a en l'espèce caractérisation de la réticence dolosive de la part de l'acheteur. [...]
[...] Ainsi, il ne peut donc y avoir, suivant le raisonnement tenu par la Cour d'Appel, manquement à une obligation de contracter de bonne foi. La réticence ne peut donc logiquement pas être caractérisée en l'espèce (si une de ces composantes est supprimée). En effet, l'une ne peut aller sans l'autre. A. Un revirement de JP inspiré du courant libéral : rejet du solidarisme au détriment de la transparence contractuelle L'obligation d'information est donc un des fondements nécessaires pour caractériser la réticence. Le manquement à l'obligation d'information permet de rendre l'intention malhonnête palpable, celle-ci ne résultant pas de manœuvres positives (silence). [...]
[...] La place de la décision dans le désordre jurisprudentiel en la matière L'obligation de contracter de bonne foi est ainsi mise hors jeu. La Cour de cassation se montre très stricte envers le vendeur. Selon l'adage emptor curiosus debet esse le vendeur devrait être curieux au même titre que l'acheteur. La Cour de cassation a d'abord admis la réticence dolosive dans un arrêt du 2 octobre 1974, civile 3e. Un arrêt (Civ.3e 15 nov D. 2002) rendu peu après la Cour de cassation en l'espèce admet cependant la réticence dolosive de l'acheteur. [...]
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