N'est-il pas d'usage de dire que le droit est « la science des exceptions » ? Cette citation, qui sous-tend l'idée d'une matière nébuleuse voire sibylline semble s'appliquer et se juxtaposer très parfaitement au problème de la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle d'un cocontractant vis-à-vis des tiers. Cela est connu et reconnu, légitimement admis, un tiers - par essence extérieur à la sphère contractuelle - peut se retrouver en position de victime du fait d'un manquement à une obligation contractuelle ou à un devoir de portée générale. En d'autres termes, un manquement contractuel ou une faute délictuelle d'un cocontractant peut l'emmener à engager sa responsabilité contractuelle ou délictuelle. Toutefois, et c'est ce qui constitue l'originalité de l'arrêt commenté, nous allons voir que les juges se livrent dans cette affaire à un glissement intellectuel (entre les notions citées supra) qui peut s'avérer très dommageable matériellement voire dangereux juridiquement : ils assimilent, assez curieusement, la matière contractuelle à la matière délictuelle (un tiers se prévaut d'une inexécution contractuelle sur le fondement délictuel), annihilant de facto l'imperceptible frontière qui existait jusqu'alors entre celles-ci.
Les faits de l'espèce apparaissent limpides, l'attendu des hauts magistrats du quai de l'horloge itou. Les consorts Loubeyre ont donné à bail un immeuble commercial à la société Myr'Ho qui a elle-même confié la gérance de son fonds de commerce à la société Boot shop. On distingue ainsi deux contrats superposés, mais bien distincts (aussi appelés « chaine de contrats »). La société Boot shop a alors reproché aux consorts Loubeyne un défaut d'entretien des locaux et les a assigné en référé pour obtenir la remise en état des lieux et le paiement d'une indemnité provisionnelle en réparation d'un préjudice d'exploitation.
[...] C'est une interprétation peut-être excessive de cette décision, et d'autres auteurs ont su relativiser sa portée. Toutefois, et les faits de l'espèce, encore une fois, plaident en faveur d'une décision aux effets byzantins, la société Boot shop demande une exécution d'obligation contractuelle. Une demande, à tout le moins abusive, qui est pourtant recueillie favorablement par l'assemblée plénière. On voit ainsi que les tiers ont une emprise sur la substance même du contrat, à savoir, les obligations contractuelles. Ainsi que la note P. [...]
[...] Ce faisant, on dissocie bien les régimes de responsabilité : les obligations purement contractuelles, qui constituent le corps du contrat d'une part, et les obligations qui supposent un devoir de bonne conduite général, un devoir de comportement d'autre part. Appliqué à cette affaire, un tel mécanisme aurait obligé la société Myr'Ho a prouver le comportement fautif des consorts L. Les tenants et les aboutissants d'une procédure civile auraient ainsi respecté en tout point les principes traditionnels du droit de la responsabilité extracontractuelle. [...]
[...] Ils reprochaient à la partie adverse de ne pas avoir établi l'existence d'une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuelle ; et aux juges du fond d'avoir entaché leur décision, en donnant raison à la société Boot Shop, d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil. Les consorts L. précisaient également qu'ils n'étaient pas au courant du contrat de location-gérance conclu entre la société Myr'Ho et la société Boot shop. [...]
[...] C'était sans compter sur l'arrêt de rejet de la Cour de cassation, réunie dans son assemblée la plus solennelle pour l'occasion, qui indique que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (on notera que la solution a déjà été réitérée plusieurs fois dans des arrêts du 4 juillet 2007 et du 12 septembre 2007 notamment). C'est avec cet argument que va résonner un clivage doctrinal, les uns pensant que la solution apparaît opportune (Geneviève Viney en déduira : dès lors qu'un manquement contractuel est la cause directe d'un dommage subi par un tiers, les éléments de la responsabilité se trouvent réunis, le manquement contractuel étant en soi un fait illicite. [...]
[...] Les régimes contractuel et délictuel sont différents à tout Point de vue Afin de ne pas laisser ces critiques vaines, il semble maintenant intéressant d'envisager et de proposer des solutions divergentes qui auraient permis d'éviter nombre de confusions, aussi bien sur le plan Académique que pratique. Une incohérence flagrante -en pratique- entre les tiers et le cocontractant fautif. Si l'on s'attarde plus en profondeur sur les problèmes purement technicojuridiques de cette solution, on se rend vite compte qu'ils sont tout de même assez importants du point de vue de l'équité -au moins. [...]
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