Commentaire d'arrêt, Assemblée plénière, Cour de cassation, 21 décembre 2007, arrêt Carteret, Code de procédure civile, étendue de l'office du juge
Tant pour la doctrine que pour les juridictions, la plus grande confusion a régné pendant plusieurs dizaines d'années quant au point de savoir si le juge peut ou doit, dans le cadre de sa primauté au regard du droit, relever d'office un fondement juridique ignoré des parties au procès. C'est précisément pour clore ce débat et uniformiser la jurisprudence que la Cour de cassation a rendu un arrêt dit Carteret en Assemblée plénière le 21 décembre 2007.
En l'espèce, un acheteur fait l'acquisition d'une voiture d'occasion auprès de la société Carteret automobiles, le contrat de vente comprenant une garantie de trois mois. Des réparations ayant été nécessaires sur le véhicule dans les trois mois après l'achat, l'acheteur assigne la société en remise en état du véhicule, réduction du prix de vente et dommages et intérêts.
[...] Une lecture critiquable des textes, fondée en opportunité et défavorable pour les parties Cette solution semble critiquable, dans la mesure où elle remet en cause la primauté du juge au regard du droit d'une manière qui semble défavoriser nettement les parties et semble fondée sur des raisons de moyens, et non de droit. A. Une remise en cause de la primauté du juge au regard du droit défavorable aux parties Selon l'adage Jura novit curia c'est au juge de dire le droit. Plus largement, l'article 12, alinéa 1 du code de procédure civile prévoit une primauté de principe du juge, au regard du droit complété par une primauté des parties au regard des faits. [...]
[...] L'assemblée plénière ne suit pas le raisonnement du plaideur. Elle rejette le pourvoi, en considérant que l'article 12 du code de procédure civile oblige certes à requalifier les faits, mais n'emporte pas obligation de changer le fondement juridique invoqué par le demandeur, sauf règles particulières. La Cour de cassation tend à unifier les interprétations divergentes de l'article 12 du code de procédure civile quand l'office du juge au regard du droit mais, ce faisant, rend un arrêt aussi pragmatique que défavorable aux parties (II). [...]
[...] Comme le souligne Jacques Normand dans le RTD Civ de 1996, chaque chambre de la Cour de cassation retenait sa propre interprétation de l'article 12. Ainsi, la 1re chambre civile, après hésitations, a retenu une conception particulièrement exigeante en ces termes : le juge n'est pas tenu de modifier le fondement juridique de la demande qui lui est présentée (Civ. 1re mars 2004). Il apparaît qu'elle retient la possibilité pour le juge de modifier le fondement juridique invoqué par les parties, mais sous la forme d'une faculté encore plus limitée que dans l'arrêt Carteret. [...]
[...] La volonté de la Cour de cassation semble être d'adoucir sa lecture de l'article 12 du code de procédure civile, dans la mesure où elle en fournit une interprétation restrictive. Ce faisant, elle a le mérite de mettre un terme aux interprétations pour le moins fluctuantes des juridictions en la matière. B. Une lecture visant à mettre fin aux divergences d'interprétation La cour d'appel qui n'était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance d'un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a légalement justifié sa décision : dans cet arrêt dit Carteret, la Cour de cassation affirme que n'encourt pas la censure une cour d'appel qui ne requalifie pas les moyens de droit invoqués par le plaideur afin de rendre une solution qui lui soit plus favorable. [...]
[...] Ainsi, la 1re chambre civile a affirmé dans un arrêt du 22 janvier 2009 que le juge a la faculté, et non l'obligation, de soulever d'office les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives. Néanmoins, la CJUE a apporté une solution différente sur ce point dans un arrêt PANNON du 4 juin 2009 : en application du droit européen de la consommation, le juge a l'obligation de relever d'office les clauses abusives. Malgré ces discordances, il ne semble pas erroné d'affirmer que ces règles particulières touchent certaines dispositions d'ordre public. [...]
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