La distinction classique entre dol incident et dol principal reste une question très discutée en doctrine. Par arrêt du 22 juin 2005, la troisième chambre civile de la cour de cassation apporte une contribution remarquée à cette discussion.
Le 26 décembre 2000, deux sociétés, dénommées SIMCO et Saint-Pray, concluent une promesse de vente portant sur un immeuble de grand auteur. L'acquéreur découvre par la suite la rigueur des règles et des charges de sécurité affairant à un tel immeuble.
Il assigne alors le vendeur en annulation du contrat de promesse sur le fondement du dol. Après un jugement de première instance resté inconnu, l'une des parties interjette appel devant la cour d'appel de Paris qui, par une décision en date du 5 novembre 2003, accueille les prétentions de l'acquéreur.
Le vendeur forme alors un pourvoi en cassation, composé d'un moyen unique. Selon ce moyen, le dol serait en cause d'annulation de la convention dans la seule hypothèse où les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est constaté que le bénéficiaire de la promesse « aurait, à tout le moins, acquis à un prix inférieur s'il avait connu la situation exacte ». Ce faisant, les juges du fond caractérisent un dol incident alors que l'existence d'un dol principal est nécessaire pour conduire au prononcé la nullité de la promesse. Ils auraient ainsi violé l'article 1116 du code civil.
Le problème posé à la cour de cassation est le suivant : l'erreur, provoquée par le silence du vendeur, et portant sur la rentabilité d'une acquisition, permet-elle son annulation alors même qu'en l'absence d'erreur, l'acquéreur aurait tout de même contracté mais à un prix inférieur ?
[...] Or, en l'espèce la cour de cassation ne l'évoque pas. On approuvera la cour de cassation d'avoir considéré que l'erreur sur la rentabilité peut entrainer la nullité d'un contrat, lorsqu'elle a été provoquée par dol. L'intérêt majeur de la décision réside néanmoins dans l'admission du dol incident comme cause de cette nullité. II La recevabilité d'un dol incident comme fondement de l'annulation d'un contrat Alors que l'intérêt de la distinction traditionnelle entre le dol principal et le dol incident est discuté en doctrine on peut se demander si la cour de cassation ne la neutralise pas dans le présent arrêt A La distinction traditionnelle entre dol incident et dol principal À la lecture de l'article 1116 du code civil, le dol doit avoir déterminé la victime à contracter. [...]
[...] En l'espèce, une erreur sur la valeur était précisément invoquée et le dol devait être considéré comme incident, puisqu'il est précisé que le bénéficiaire aurait à tout le moins acquis à un prix inférieur s'il avait connu la situation exacte De simples dommages et intérêts auraient d'ailleurs permis de rééquilibrer l'économie du contrat et auraient pu satisfaire l'acquéreur de l'immeuble victime de la réticence dolosive. En admettant néanmoins la nullité de la promesse dans une telle hypothèse, la cour de cassation semble neutraliser la distinction, voire la dépasser. B Une neutralisation de la distinction ? La cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir retenu la nullité du contrat, alors même qu'elle avait précisé que les acquéreurs auraient tout de même contracté, mais à des conditions différentes. Toutefois, elle apporte une précision. La nullité est justifiée par le caractère déterminant du dol. [...]
[...] Dans un arrêt du 31 mars 2005, la troisième chambre civile affirmait en effet que l'appréciation erronée de la rentabilité économique n'est pas constitutive d'une erreur sur la substance de nature à vicier le consentement de la société contractante à qui il appartenait d'apprécier la valeur économique et les obligations qu'elle souscrivait Le rejet de la nullité pour erreur sur la valeur permet également d'éviter un encombrement des tribunaux. Certes, le caractère excusable permettrait le rejet de nombreuses demandes. Toutefois, ce rejet ne se produirait qu'à postériori. Surtout, l'admission de l'erreur spontanée sur la valeur reviendrait à permettre une nullité pour lésion généralisée, en dehors des cas limitativement prévus par la loi. Le rejet de l'erreur spontanée sur la valeur comme cause de nullité est donc pleinement justifié. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt du 22 juin 2005 rendu par la troisième chambre civile de la cour de cassation La distinction classique entre dol incident et dol principal reste une question très discutée en doctrine. Par arrêt du 22 juin 2005, la troisième chambre civile de la cour de cassation apporte une contribution remarquée à cette discussion. Le 26 décembre 2000, deux sociétés, dénommées SIMCO et Saint-Pray, concluent une promesse de vente portant sur un immeuble de grand auteur. L'acquéreur découvre par la suite la rigueur des règles et des charges de sécurité affairant à un tel immeuble. [...]
[...] Toutefois, l'article 1110 du code civil n'accepte, comme cause de nullité, que l'erreur sur la substance de la chose et l'erreur sur la personne dans les contrats avec intuitu personae. Par conséquent, une erreur sur la valeur ne peut entrainer la nullité du contrat sur le fondement de l'article 1110 du code civil. Le projet de réforme du droit des contrats conserve ce principe. Son article 56, alinéa second dispose en effet que l'erreur sur la valeur n'est pas en soi une cause de nullité Plusieurs raisons justifient ce refus. [...]
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