Le droit français des obligations est fondé sur le principe du consensualisme. La place de la volonté, son autonomie comme son autosuffisance sont largement mis en exergue. Pourtant, il est fait des exceptions à ce principe, et ce à double titre. Dans certains cas, l'exigence de formalisme le supplante. Dans d'autres, il est fait usage de la notion de contrat réel. Cependant, la survivance de cette forme romaine de convention est discutée en doctrine, et a été remise en question par la jurisprudence. Il a ainsi été établi que les contrats de prêt consenti par des professionnels du crédit n'étaient pas des contrats réels. Cette affirmation a de nombreuses conséquences juridiques, comme l'illustre l'arrêt de la première Chambre Civile du 27 juin 2006.
Les faits principaux du cas étudié sont les suivants. Par une offre préalable acceptée par son destinataire, une Caisse d'Allocations Familiales lui a consenti un prêt. Par la suite, elle assigne ce dernier en paiement du solde du prêt, mais son action est rejetée par les juges du fond au motif qu'elle n'établissait pas que les fonds promis avaient été effectivement remis. La Caisse forme alors un pourvoi en cassation. La question qui se pose aux Hauts Magistrats est alors celle de savoir si la preuve de la remise des fonds est nécessaire pour permettre à un prêteur d'obtenir remboursement des sommes engagées. Au visa de l'article 1315 du Code Civil, la Cour de Cassation casse la décision des juges du fond et réaffirme que le contrat de prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel, et que, par conséquent, la preuve de l'accord de volonté suffit à démontrer l'existence de celui-ci et, partant, de l'obligation de remboursement pesant sur l'emprunteur.
[...] D'autre part, une grande partie de la doctrine, même si les raisons diffèrent, y est favorable. En effet, toujours dans le cas du prêt, si certains auteurs ont pu considérer que la remise permettait de prendre en considération l'importance du déplacement de la valeur (Ghestin), d'autres soulignent le caractère superfétatoire de cette protection du prêteur dès lors que les prêts établis par des professionnels sont des contrats d'adhésion contenant déjà nombre de clauses protectrices. De manière plus générale, une autre partie de la doctrine, et notamment le Professeur Larroumet, considère que la survivance du contrat réel ne tient qu'à la tradition, et qu'il serait temps d'uniformiser les contrats selon l'axe majeur adopté par le Code Civil en 1804, à savoir le consensualisme. [...]
[...] Si le contrat de prêt à la consommation est traditionnellement un contrat réel qui se forme par la remise de la chose, la jurisprudence a établi depuis 2000 que, lorsqu'il était consenti par un professionnel du crédit, il s'agissait d'un contrat consensuel, naissant de la rencontre des volontés. L'arrêt commenté illustre la mise en œuvre de cette règle prétorienne et par là la tendance latente de consensualisation des derniers contrats réels A. Le contrat de prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel. Le contrat de prêt à la consommation est en principe un contrat réel. Cette notion remonte au droit romain et doit son existence à un principe de l'époque : solo consensus non obligat (le simple consentement n'oblige pas). [...]
[...] En effet, si l'existence du premier se prouve par la preuve de la remise de la chose, celle du second dépend de la preuve de l'échange des consentements Cependant, la preuve de l'existence de l'obligation de restitution devrait néanmoins être démontrée par celle de la réalité de la remise des fonds, puisqu'il s'agit alors de la preuve de l'exécution du contrat et non de celle de sa formation A. La preuve de l'existence du contrat, ou la démonstration de l'accord de volontés. Le contrat de prêt, dès lors qu'il n'est plus un contrat réel, n'a plus le même régime. [...]
[...] Comment pourrait-il peser sur l'emprunteur la charge de restituer des fonds qu'il n'a pas reçus, mais que son cocontractant s'est juste engagé à donner ? En raisonnant comme elle le fait dans cet arrêt, il semble que la Cour de Cassation confonde existence du contrat et exécution de la remise, puisque la preuve de la première écarte la nécessité d'une preuve positive de la seconde. C'est alors, puisque le tribunal a inversé la charge de la charge de la preuve à l'emprunteur de prouver que les fonds ne lui ont effectivement pas été remis. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la 1e Chambre Civile juin 2006 Le droit français des obligations est fondé sur le principe du consensualisme. La place de la volonté, son autonomie comme son autosuffisance sont largement mis en exergue. Pourtant, il est fait des exceptions à ce principe, et ce à double titre. Dans certains cas, l'exigence de formalisme le supplante. Dans d'autres, il est fait usage de la notion de contrat réel. Cependant, la survivance de cette forme romaine de convention est discutée en doctrine, et a été remise en question par la jurisprudence. [...]
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