Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 novembre 2014, n°13-23.759 - Le tacle exécuté par un joueur de football, sanctionné par un carton jaune de l'arbitre, suffit-il à être qualifié de comportement brutal, fautif, susceptible d'engager la responsabilité civile de ce dernier ?

Extraits

[...] Concrètement, en l'occurrence, les juges écartent la qualification de « comportement anti-sportif » pour permettre de qualifier la faute de caractérisée. Ils exigent un comportement brutal, violent, déloyal qui « ne se déduit pas de la gravité des blessures », mais comment apporter une telle preuve ? En effet, il s'agit d'une preuve « diabolique » ou, en tout cas, très difficile à établir. Par opposition à cette appréciation, un joueur de rugby a été condamné après avoir rendu son adversaire tétraplégique lors d'un placage. [...]

[...] En la matière, le rôle du juge de Cassation reste limité, ce dernier peut censurer l'arrêt d'appel pour un défaut de base légale ou pour une contradiction dans les motifs. Cependant, ce n'est pas le choix fait par les juges de cassation dans la présente affaire qui citent l'arrêt de la Cour d'appel de Caen et suivent son argumentaire. Du point de la nécessité d'une flexibilité et d'une adaptation en matière de responsabilité civile, l'appréciation in concreto pourrait être justifiée, mais quid de la sécurité juridique ? En effet, cet exercice est dangereux et susceptible de créer des inégalités de traitement. [...]

[...] Dans le même ordre d'idées, les juges de la Cour de cassation approuvent les juges d'appel sur le fait que la gravité des blessures ne peut pas présumer le comportement violent du gardien et respectivement constituer une faute caractérisée. En effet, l'l'arrêt commenté permet de saisir avec plus de précision les contours de la notion de la faute caractérisée et cela est dû en partie à l'exigence d'appréciation in concreto. Une appréciation in concreto indispensable pour la qualification de la faute Pour l'appréciation de la faute caractérisée, le juge dispose d'une indépendance face à la position de l'arbitre cet élément, source d'imprévisibilité, qui s'ajoute à d'autres, fait de l'appréciation de la faute caractérisée un exercice générateur d'insécurité juridique Une indépendance absolue du juge face à la position de l'arbitre Dans la présente affaire, le juge a considéré le gardien fautif, en lui attribuant un carton jaune. [...]

[...] Eu égard à ces arguments se pose la question suivante : le tacle exécuté par un joueur de football, sanctionné par un carton jaune de l'arbitre, suffit-il à être qualifié de comportement brutal, fautif susceptible d'engager la responsabilité civile de ce dernier ? Les juges de la Cour de cassation ont répondu par la négative à la question posée et ont rejeté le pourvoi formé par la victime. La Cour de cassation considère que le seul fait que le tacle a été sanctionné par l'arbitre ne suffit pas pour qualifier ce comportement de brutal et fautif et engager la responsabilité civile du joueur gardien. [...]

[...] Précisément, la Cour de cassation admet l'emploi de la notion de « comportement brutal fautif » qui aurait permis à la cour d'appel d'engager la responsabilité du gardien. Il ressort avec évidence de cette formulation que la gravité de la faute réside dans l'intention du prétendu responsable, ce qui confirme d'ailleurs l'ancienne jurisprudence qui exige outre la violation des règles de jeu « un comportement agressif, une ardeur intempestive ». Ainsi, en l'espèce, la faute simple aux règles de jeu aurait été érigée en faute caractérisée par la violence, la brutalité ou la déloyauté du gardien. [...]