En l'espèce, une banque consent à une personne un prêt immobilier destiné à financer la construction de deux villas sur un terrain dont cette dernière disposait en vertu d'un bail emphytéotique. Le bénéficiaire du prêt cesse de verser les mensualités, la déchéance du terme est alors prononcée. Une procédure de saisie immobilière est diligentée par la banque au cours de laquelle apparaît qu'une seule maison avait été construite et que les fonds prêtés ont été utilisés pour des besoins personnels et pour d'autres opérations immobilières.
Le bénéficiaire du prêt est alors poursuivi pour abus de confiance. Ainsi, le non-respect de la destination des fonds remis dans le cadre d'un contrat de prêt immobilier est-il constitutif du délit d'abus de confiance ?
[...] En effet, la chambre criminelle précise ici que le non-respect de la prévision des charges d'utilisation des fonds remis est sans effet puisqu'il n'implique pas le caractère précaire de la remise. L'indifférence de la prévision des charges d'utilisation des fonds dans le cadre d'une remise de la propriété En affirmant, par cet arrêt, que le non-respect de la finalité des fonds versés est sans effet dès lors que le caractère précaire de la remise fait défaut la chambre criminelle fait du délit d'abus de confiance une infraction de protection de la propriété A. [...]
[...] Elle met ainsi un terme à la thèse développée par une partie de la doctrine depuis la suppression de la liste des contrats de l'incrimination d'abus de confiance, selon laquelle, ce délit pouvait s'appliquer à la remise de la propriété. Raisonnement incompatible avec la nature de l'abus de confiance, comme infraction d'atteinte à la propriété, maintenue par le Code pénal de 1992 qui prévoit expressément ce délit dans le Titre premier du Livre troisième intitulé des appropriations frauduleuses qui suppose que le bien détourné n'appartienne pas à son auteur. Cet arrêt s'inscrit dans le prolongement de celui rendu le 26 janvier 2005. [...]
[...] Une remise à titre précaire, condition d'existence du délit d'abus de confiance Même si le détournement paraît consommé dès lors que l'emprunteur ne respecte pas la destination des fonds remis en vue d'en faire un usage déterminé la chambre criminelle écarte, en l'espèce, la qualification d'abus de confiance au visa de l'article 314-1 après avoir relevé que l'emprunteur était devenu propriétaire des fonds prêtés Elle rappelle, en effet, que l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire et en déduit qu'il ne peut être commis dans le cadre d'un prêt immobilier puisqu'un tel contrat opère transfert de propriété et confère alors à l'emprunteur la libre disposition des fonds prêtés dès leurs remises. Ici la chambre criminelle formule expressément un principe qu'elle laissait entendre dans son arrêt rendu le 26 janvier 2005 où elle sanctionne la décision de la Cour d'appel, qui avait retenu la qualification d'abus de confiance alors que les fonds n'étaient pas remis à titre précaire, pour ne pas avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'abus de confiance. Elle fait donc de la remise à titre précaire une condition d'existence du délit. [...]
[...] Le refus de déduire le détournement du non-respect de la destination des fonds sans prendre en compte les conditions de la remise Pour motiver sa décision, la Cour d'appel s'attache à rappeler le principe de l'article 314-1 du Code pénal selon lequel, le délit d'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé Ce délit suppose donc d'une part, une remise préalable d'un bien à titre précaire par la victime dans un but déterminé et d'autre part, la réunion des éléments constitutifs proprement dits de cette infraction, à savoir un acte matériel de détournement entraînant un préjudice pour le propriétaire ou le possesseur de la chose détournée et une intention frauduleuse. Les conditions de la remise de la chose sont déterminantes pour savoir si l'infraction est consommée. [...]
[...] Cette nécessaire précarité résulte des termes de la loi, la chose est remise à charge d'être rendue, représentée ou d'en faire un usage déterminé Par ce détournement de la finalité de la remise, le possesseur précaire porte atteinte au droit de propriété sur la chose de celui qui l'a remise volontairement. La précarité de la possession peut prendre plusieurs formes qui sont distinguées par l'article 314-1 code pénal. Elle résulte soit de l'exigence de restitution de la chose remise ; soit de la représentation de la chose ; soit de l'utilisation de celle-ci conformément aux stipulations du propriétaire que le possesseur précaire a acceptées. Les sommes prêtées dans le cadre d'un prêt immobilier sont affectées, elles doivent servir à une utilisation particulière convenue entre les parties. [...]
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