Le droit de rétention de l'article 2286 du Code civil peut être défini comme le droit pour un créancier de refuser la délivrance ou la restitution de la chose tant qu'il n'a pas obtenu paiement intégral. Il s'agit d'une forme de justice privée reconnue au créancier. Ainsi, cet arrêt de cassation de la chambre commerciale du 8 juillet 2003 concerne le sort du droit de rétention lorsqu'il est exercé sur une chose sans valeur commerciale.
Dans les faits soumis aux juges de la Cour de cassation, il s'agissait d'une banque qui avait accordé un « concours stock » à une société. En garantie de ce crédit, l'emprunteur avait remis au banquier les cartes grises de plusieurs véhicules. Cette société emprunteuse est mise en liquidation judiciaire, et le liquidateur de la société vend les véhicules aux enchères. La banque lui demande alors restitution du prix de vente en faisant valoir que le droit de rétention sur les documents administratifs se reportait sur le prix, selon l'article L622-21 du Code de commerce. Le liquidateur refuse de payer. La banque assigne donc le liquidateur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en lui reprochant d'avoir vendu les véhicules dont les cartes grises étaient retenues. La Cour d'appel fait droit à la demande de la banque. Le liquidateur forme donc un pourvoi devant la Cour de cassation.
La question posée aux juges suprêmes était donc celle de savoir si le droit de rétention sur des documents administratifs sans valeur intrinsèque devait s'étendre sur les choses visées par ces documents administratifs dont ils sont l'accessoire.
[...] Cette solution avait déjà été affirmée par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 juillet 2000. Cet arrêt avait en effet consacré l'idée que, dans la mesure où le droit de rétention sur une chose était la conséquence de sa détention, il ne pouvait être étendu à des éléments non détenus. Autrement dit, le droit de rétention implique une détention de la chose. Et pour qu'il y ait une détention de la chose, il faut une appréhension matérielle du bien ; il faut que le bien soit physiquement entre les mains du rétenteur, ce qui n'est pas le cas desdits véhicules en l'espèce. [...]
[...] La banque rétentrice exerce de la sorte un droit de rétention uniquement sur les cartes grises et non sur les véhicules. Elle ne peut ainsi demander restitution du prix de vente des véhicules au liquidateur en se basant sur l'article L622-21 du Code de commerce. Cependant, le liquidateur ne peut pas non plus vendre librement les véhicules dont les cartes grises sont retenues par le créancier du constituant du droit de rétention. En effet, l'acquéreur des véhicules ne pourra pas les utiliser sans les cartes grises, la carte grise étant une autorisation administrative de circuler et donc un accessoire au véhicule. [...]
[...] En effet, une sûreté réelle doit pouvoir assurer la satisfaction du créancier par la réalisation du bien grevé et un droit de préférence sur le prix. Lorsque le droit de rétention porte sur une chose dépourvue de valeur intrinsèque, le droit de rétention ne confère aucun pouvoir immédiat sur la chose elle- même, ni sur sa valeur et ne permet pas l'affectation du bien au paiement préférentiel d'une créance. En effet, le paiement est finalement obtenu sans que la valeur du bien ne soit dégagée, car elle n'a effectivement aucune valeur, s'agissant de documents administratifs. [...]
[...] En effet, le liquidateur, comme nous l'avons vu précédemment, peut voir engager sa responsabilité vis-à-vis de l'acquéreur des véhicules, ce qui constitue une gêne l'incitant à payer le rétenteur des cartes grises pour récupérer celles-ci. [...]
[...] Ainsi, si le droit de rétention du prêteur sur les cartes grises ne peut s'étendre aux véhicules visés par ces documents administratifs la solution de la Cour de cassation considère par conséquent que le droit de rétention peut être exercé sur une chose qui n'a aucune valeur commerciale (II). I. L'absence d'extension du droit de rétention sur les cartes grises aux véhicules La Cour de cassation censure la Cour d'appel d'avoir estimé que le rétenteur devait se voir restituer le prix de vente des véhicules visés par les cartes grises détenues dont elles étaient l'accessoire Cette solution entérine l'idée selon laquelle le droit de rétention porte sur un bien effectivement détenu et ne s'étend donc pas à des éléments non détenus par le rétenteur A. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture