L'article 2248 du Code civil (modifié par la loi du 17 juin 2008, correspondant désormais à l'article 2240 du Code civil) dispose que « la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait. » L'arrêt de cassation de la chambre commerciale du 31 octobre 2006 s'est appuyé sur ce fondement pour consacrer la reconnaissance tacite du droit de gage du créancier par le débiteur.
Dans l'affaire soumise aux juges du fond, il était question d'une banque qui avait consenti à une société un prêt de 280 000 francs pour lequel elle avait obtenu, en gage, un bon de caisse déposé dans une autre banque. La société à qui la banque avait accordé le prêt a été mise en liquidation judiciaire. Le créancier (la banque) a donc sollicité l'attribution judiciaire du gage. Cependant pour contester cette demande, la société invoqua la prescription décennale.
La reconnaissance du droit du créancier par le débiteur peut-elle s'effectuer quand le bien gagé est détenu par un tiers ?
[...] La chambre commerciale énonçant ici un principe général. Puis, la Cour de cassation pose une règle essentielle qui concerne le droit commun du gage. En effet, tant que le bien demeure entre les mains du créancier, le délai de prescription de l'attribution judiciaire ne court pas, de telle sorte que cette attribution est de facto imprescriptible. Par conséquent, la prescription n'éteint pas le gage avec dépossession, car la créance devient imprescriptible tant que le gage reste entre les mains du créancier gagiste. [...]
[...] II- L'interruption de la prescription de l'attribution judiciaire du bien gagé du fait de la reconnaissance tacite du débiteur La chambre commerciale de la Cour de cassation consacre la reconnaissance tacite du débiteur ce qui rend ipso facto l'attribution judiciaire imprescriptible Une permanente reconnaissance tacite du droit de créancier par le débiteur La Cour de cassation énonce que le maintien du gage entre les mains du créancier ou du tiers convenu, en ce qu'il emporte reconnaissance tacite et permanente du droit du créancier par le débiteur, interrompt la prescription. En remettant un bien à titre de gage entre les mains d'un tiers convenu, le débiteur reconnait tacitement la créance de son créancier. Par conséquent, la prescription ne court plus, cette reconnaissance valant interruption de la prescription. Il faut préciser que l'attribution judiciaire est un acte juridique qui est soumis à la prescription décennale extinctive. Cette solution de la chambre commerciale est inédite, mais justifiée selon la doctrine. [...]
[...] Enfin, il est précisé qu'il doit s'agir d'un tiers convenu entre les parties, or dans les faits, le contrat de gage passé entre les parties avait stipulé que le bon de caisse serait remis entre les mains du Crédit commercial de France. Mais cette règle n'est pas nouvelle, le législateur et la jurisprudence avaient déjà indiqué que le bien gagé pouvait être détenu par un tiers, et que cela ne faisait pas obstacle à l'attribution judiciaire. La chambre commerciale considérant que la mise en possession était réalisée, le débiteur ne pouvait ignorer le droit du créancier. [...]
[...] La reconnaissance du droit du créancier par le débiteur peut-elle s'effectuer quand le bien gagé est détenu par un tiers ? La Cour de cassation casse et annule l'arrêt en indiquant que non seulement, au visa de l'article 2076 du Code civil, la possession du gage est réalisée et le demeure tant que celui-ci est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties, mais également que ce maintien du gage emporte une reconnaissance tacite permanente du droit du créancier par le débiteur et par conséquent interrompt la prescription, au regard de l'art 2248 du Code civil. [...]
[...] Cette reconnaissance devant être sans équivoque, dans ce sens, le bien gagé n'étant pas dans les mains mêmes du créancier, la cour d'appel d'Aix-en-Provence constatait une ambigüité. Mais, la Cour de cassation au visa de l'article 2076 du Code civil précise que peu importe que le bien gagé soit détenu par un tiers, le créancier peut valablement demander l'attribution du bon de caisse. Enfin, il convient de préciser que depuis la réforme, la dépossession du débiteur n'est plus une véritable condition. En effet, elle perd de son sens avec l'existence du gage sans dépossession. [...]
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