Par un arrêt important en date du 31 mars 2004, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a abordé la question du droit de vote de l'usufruitier et permet de se pencher sur la question de l'attribution ou non de la qualité d'associé à l'usufruitier. La Haute juridiction a jugé en effet que le droit de vote devait impérativement appartenir à l'usufruitier sur les décisions concernant les bénéfices, sous peine de dénaturer l'usufruit.
En l'espèce, une clause des statuts d'une société en commandite par actions attribuait le droit de vote au nu-propriétaire dans toutes les assemblées.
Saisi par un groupe d'actionnaires qui prétendait que cette stipulation avait pour effet de priver les usufruitiers de tout droit de vote, la Cour d'appel de Douai a annulé, par un arrêt du 5 juin 2003, cette disposition statutaire, en se fondant sur l'article 1844 C. civ. relatif à la répartition des droits de vote entre nu-propriétaire et usufruitier, et sur les articles 578 et 599 C. civ. relatifs aux droits de l'usufruitier.
Est-ce qu'une clause des statuts peut priver l'usufruitier du droit de voter les décisions concernant les bénéfices au regard de l'article 578 du Code civil qui attache à l'usufruitier le droit d'usus et de fructus de la chose grevée ?
[...] La Cour de cassation a cassé l'arrêt attaqué en fondant sa solution sur l'article 1844 C civ dans son ensemble en distinguant le droit de participer (assister) et le droit de voter (décider). La Cour régulatrice admettait, au titre de l'article 1844 C. civ., une dérogation statutaire (al. à la règle légale relative à l'attribution du droit de vote (al. 3). Mais elle appliquait le principe, de nature impérative, de l'article 1844 al C. civ. selon lequel tout associé a le droit de participer aux décisions collectives Le nu-propriétaire peut être privé de son droit de vote, mais pas de son droit de participer. Les dispositions de l'article 1844 C. civ. [...]
[...] Solution : Une clause pourrait priver de droit de vote l'usufruitier mais en contrepartie le nu-propriétaire garantirait un minimum de sécurité ou de revenu à l'usufruitier. Critique : Mais la solution de la Cour de cassation prive les parties d'un aménagement contractuel. Faut-il craindre un risque pour le nu-propriétaire d'une distribution systématique de bénéfices par l'usufruitier ? L'article 578 C. civ. fait obligation à l'usufruitier de conserver la substance de la chose grevée. En application de l'article 618 al C. civ., l'usufruit peut cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance. En matière de droits sociaux, l'article 578 C. [...]
[...] en ce sens que les associés, c'est-à-dire au moins les nus- propriétaires, ne pouvaient pas être privés de tout droit de vote. Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur la distinction ou non du droit de participer et de voter dans la mesure où elle rend sa décision sur le fondement du droit des biens. Elle s'est bornée à affirmer le caractère irréductible de droit de vote de l'usufruitier concernant les bénéfices. Les bénéfices participent de la nature des fruits (Cass. [...]
[...] Mais la Cour de cassation aurait dû rédiger une formule de principe à l'instar de l'arrêt de Gaste pour le nu-propriétaire. En admettant que l'usufruitier soit associé, quel est le fondement de ses pouvoirs dans la mesure où l'ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, permet de dissocier la qualité d'actionnaire et le droit de vote en créant la nouvelle catégorie des actions de préférence[1] ? La solution de l'arrêt Hénaux pourrait donc être remise en cause par l'ordonnance de 2004 qui a réformé le droit des valeurs mobilières, sauf à considérer que le droit des biens a une autorité supérieure au droit des sociétés comme l'a jugé la Cour de cassation dans cet arrêt. [...]
[...] Il est donc essentiel que l'usufruitier puisse avoir le droit de voter lors des décisions de distribution. Sinon, l'usufruitier se verrait privé de son droit fondamental, prévu par l'article 578 C. civ., de jouir de la chose grevée d'usufruit. La jouissance comprend le droit d'usus (participer aux assemblées générales) et de fructus (percevoir les dividendes). Par conséquent, une clause des statuts ne peut priver l'usufruitier du droit de vote concernant les bénéfices. Sinon, ce serait subordonner le droit de l'usufruitier à percevoir les dividendes à la seule volonté des nus-propriétaires. [...]
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