Dans le contexte juridique actuel, le cautionnement connaît une activité jurisprudentielle soutenue. Cet arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 juin 2008 en est l'exemple.
En l'espèce, un établissement de crédit a consenti un prêt à M. X. A cette occasion, une société civile immobilière s'est portée caution de la dette de M. X, qui est par ailleurs gérant et détenteur de 94% des parts du capital de cette société. A la suite de la mise en redressement judiciaire du débiteur, l'établissement de crédit a actionné l'exécution de la caution. Néanmoins celle-ci conteste, s'y oppose et demande l'annulation du cautionnement.
Les juges du fond rejettent la demande de la caution en l'annulation de son engagement estimant qu'il y avait bien une communauté d'intérêt entre le bénéficiaire du cautionnement et la caution.
Ainsi, la caution se pourvoit en cassation.
[...] On peut donc dire que dans cet arrêt la chambre commerciale consacre l'intérêt social en condition déterminante de tout cautionnement à tel point qu'il ne peut exister de cautionnement d'une société civile sans l'existence pour elle d'un intérêt social. Néanmoins on peut relativiser cette décision puisqu'il ne s'agit pas véritablement d'un revirement de jurisprudence étant donné que, contrairement à la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 novembre 2007, cette décision émane de la chambre commerciale de la Cour de cassation. [...]
[...] Ainsi l'on peut en premier lieu critiquer l'existence d'une quelconque communauté d'intérêts entre la société et le dirigeant. En effet comment cette communauté d'intérêts pourrait-elle exister si seul le dirigeant avait intérêt à ce que sa propre dette soit cautionnée ? L'on peut en effet estimer que la dette étant étrangère à la société puisque personnelle au dirigeant, il n'y avait pas de convergence d'intérêts, faute d'utilité du cautionnement pour la société civile immobilière. En réalité, cet arrêt permet d'éviter le délit d'abus de biens sociaux. [...]
[...] Par ailleurs, la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation lors de son arrêt du 8 novembre 2007 apporte un assouplissement à cette règle de principe. En effet, elle pose trois conditions alternatives rendant possible le cautionnement d'une société. Ainsi le cautionnement ne sera possible que lorsque sera prouvé que le cautionnement entre dans l'objet social, ou qu'il existe une communauté d'intérêts entre la société caution et le bénéficiaire du cautionnement, ou enfin lorsque le cautionnement résultera du consentement unanime des associés. [...]
[...] Non seulement cela serait constitutif d'abus de biens sociaux, mais cela entrainerait un risque pour le patrimoine de la société qui serait trop souvent ponctionné par les dépenses personnelles des associés. Cela entrainerait inévitablement un risque pour l'existence même de la société, celle-ci ne disposant plus assez de liquidité pour pouvoir survivre ce qui serait constitutif d'une atteinte à l'intérêt social. Or c'est exactement ce qu'a pu relever la cour de cassation dans cet arrêt : le cautionnement par la société de la dette personnelle du dirigeant était tel que celle-ci devait réaliser son entier patrimoine pour l'honorer, ce qui était de nature à compromettre son existence même Par ailleurs la volonté de limiter les cautionnements par les sociétés civiles tient également au fait que cela serait paradoxal. [...]
[...] L'on comprend donc qu'il est difficile de pouvoir justifier d'une communauté d'intérêts ou même d'un intérêt pour la société de s'engager dans un acte totalement gratuit alors que son but est à l'origine de faire des bénéfices. Ainsi, l'on peut en conclure que cette décision de limiter au moins les cautionnements par les sociétés pour les dettes personnelles de leur dirigeant est une décision qui est juridiquement acceptable. Elle permet une bonne gestion des sociétés, évitant les abus de biens sociaux et en faisant prévaloir l'intérêt social. Néanmoins, on peut se demander si cette décision de la Cour de cassation n'est pas excessive au regard de la nature de la garantie consentie. B. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture