En effet, selon l'espèce, la SEM achète des mélasses à la société Jean Lion. Ces mélasses sont entreposées dans des bacs appartenant à la société Sotrasol dans lesquels on a constaté leur pollution. Face à cela, le 22 octobre 1986, la société Jean Lion fait savoir par une lettre à la SEM qu'elle se verrait subrogée dans les droits et actions de cette dernière. La décision d'appel du 5 octobre 1988 infirme le jugement de première instance.
Les juges de la juridiction suprême ont alors été confrontés au problème suivant : l'expression dans un document antérieur au paiement, du désir du subrogeant de voir subrogé dans ses droits et actions son cocontractant, donne-t-elle au paiement un caractère subrogatoire qui transférerait les droits du créancier au solvant, et ce, malgré l'absence de quittance subrogatoire concomitante au paiement ?
[...] Tous ces élargissements douteux contribuent à une dénaturation du mécanisme de la subrogation personnelle. Dégénérescence et démembrement de la subrogation personnelle. On peut voir cet arrêt d'un point de vue conservateur et formuler les propos suivants : Comme un condamné que l'on écartèle, la subrogation souffre visiblement de ces étirements juridiques abusifs. En effet, là où la lettre du texte a été relativement claire afin de réglementer une pratique, les juges interviennent et renversent le régime. Effectivement, là où un régime non particulièrement souple, mais pas particulièrement rigide assurait une certaine sécurité aux justiciables, les juges de la chambre commerciale élargissent la pratique jusqu'à un point de non-retour ou cette dernière ne colle plus avec le texte qui l'organise. [...]
[...] ; voilà ce que l'on peut lire dans l'article La subrogation personnelle sans paiement ? de Patrick Chaumette. On peut dire afin d'expliquer cette phrase que la subrogation personnelle est apparue au départ comme une opération à but non spéculatif, c'était en quelque sorte un acte d'ami ; cependant, la facilité d'utilisation de ce mécanisme en a fait l'outil parfait de la vie des affaires qui sût l'utiliser à merveille notamment dans le contrat d'affacturage et dans l'attribution de cartes de crédit. [...]
[...] En 1970, la Cour d'Appel de Paris dans un arrêt du 21 janvier avait admis l'existence de la promesse anticipée de subrogation en cas d'affacturage. On pourrait en effet légitimement penser que le fait que le subrogeant ait exprimé dans un document antérieur, sa volonté de subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement puisse être une promesse anticipée de subrogation. Cependant, il faut apporter une petite précision : dans le cas d'une promesse subrogatoire, il y a signature de la quittance subrogative au moment du paiement, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce. [...]
[...] En effet, par exemple dans un arrêt du 23 mars 1999, la chambre civile a réaffirmé la nécessité de la concomitance. C'est alors installé un débat entre la chambre civile et la chambre commerciale. Cependant, dans un arrêt du 28 mai 2002, la chambre civile se ressaisit et se raccorde à la jurisprudence de la chambre commerciale. La consécration a été complète lorsque l'avant-projet de réforme du droit des obligations a repris cette jurisprudence et notamment dans l'article 1260 al du projet. [...]
[...] La société SEM forme alors un pourvoi auprès de la Cour de cassation. Les juges de la juridiction suprême ont alors été confrontés au problème suivant : L'expression dans un document antérieur au paiement, du désir du subrogeant de voir subrogé dans ses droits et actions son cocontractant, donne-t-elle au paiement un caractère subrogatoire qui transférerait les droits du créancier au solvens et ce malgré l'absence de quittance subrogatoire concomitante au paiement ? Les juges de la Haute juridiction répondent par l'affirmative à cette question, en effet, ils apportent une précision concernant l'article 1250 du Code Civil en avançant que La condition de concomitance de la subrogation au paiement, exigée par l'article 1250,1°, du Code civil, peut être remplie lorsque le subrogeant a manifesté expressément, fût-ce dans un document antérieur, sa volonté de subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement ; Cet état de Droit est lui-même déduit d'un état de fait consistant dans l'existence de la lettre du 22 octobre 1986 dans laquelle la société Jean Lion avait écrit que le paiement emporterait subrogation au profit de la SEM dans ses droits. [...]
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