En continuité avec la jurisprudence antérieure, la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme le principe de l'engagement de la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une rupture abusive des pourparlers dans un arrêt du 26 novembre 2003. Dans cet arrêt, la Cour de cassation innove quant à la précision qu'elle apporte sur l'étendue des dommages réparables. De plus, l'arrêt est novateur en ce qu'il concerne la responsabilité délictuelle d'un tiers.
Dans cet arrêt, une première société engage des négociations avec des actionnaires d'une autre société, en vue d'obtenir la cession de leurs actions.
Les pourparlers aboutissent à un projet d'accord quelques mois plus tard fixant plusieurs conditions suspensives affectées d'un délai de réalisation. Les actionnaires conduisent en parallèle des négociations avec une société tierce qui aboutissent à la promesse de cession. Les actionnaires n'avertissent la première société que quelques jours après la promesse faite à la société tierce. La société déchue assigne en justice les actionnaires et la société tierce afin d'obtenir la réparation du préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers.
[...] Par cet arrêt, la Cour de cassation témoigne de sa volonté de définir les dommages réparables. La sécurité juridique pour le tiers D'après la Cour de cassation, le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur L'engagement de la responsabilité d'un tiers ne vaut que si ce dernier est animé d'une intention de nuire qui se manifeste par l'emploi de manœuvres frauduleuses. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation considère que ces trois conditions sont présentes et de ce fait, l'auteur de la rupture fautive des pourparlers engage sa responsabilité envers la société déchue. Dans la continuité de la jurisprudence antérieure, le préjudice subi n'inclut que les frais occasionnés pendant les négociations et les études effectuées au préalable. La Cour de cassation exclut la réparation de la perte de chance invoquée par la société déchue. Elle estime que le préjudice subi ( ) ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de chance qu'avait cette société d'obtenir les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce En l'espèce, la société déchue invoque un gain manqué en ce qu'il constitue une perte de bénéfices espérés par la conclusion du contrat. [...]
[...] En effet, les parties sont libres de rompre les négociations et donc libres de changer de partenaires. Cet arrêt ne remet pas en cause la liberté de contracter avec un tiers même si celui-ci est en phase de négociations avec une autre partie. En période précontractuelle, le tiers n'est pas tenu de connaître la situation juridique du partenaire. En revanche, il n'en va de même lorsque le partenaire s'est engagé par contrat avec une autre partie. Il est alors possible de rompre des négociations voire d'en mener d'autres en parallèle. [...]
[...] En effet, ils ont laissé croire à la société déchue que la conclusion du contrat restait possible alors même que les actionnaires avaient, à la même époque, conduit des négociations parallèles avec la société tierce et conclut avec cette dernière un accord dont ils n'avaient informé la société ( ) que quatorze jours après la signature de celui-ci Ce qui caractérise la faute, ce n'est pas tant le fait que les actionnaires aient tardé à avertir la société tierce que le fait qu'ils l'aient trompée en laissant croire que seule l'absence de l'expert- comptable de la société (des actionnaires) retardait la signature du protocole Ainsi, l'engagement de la responsabilité des actionnaires est justifié par la mauvaise foi dont ils ont fait preuve au moment de la rupture des pourparlers. Par cet arrêt, la Cour de cassation pose l'obligation de la bonne foi des parties aussi bien pendant la période des négociations qu'au moment de la rupture par l'une ou les parties. En cas de rupture fautive constatée, il convient de s'interroger sur la responsabilité de l'auteur de la rupture et du tiers qui aurait conduit à cette rupture. [...]
[...] Les actionnaires et la société déchue forment un double pourvoi en cassation, les uns pour attaquer l'arrêt qui les condamne à verser des dommages et intérêts, et l'autre pour contester le montant des ces dommages et intérêts et pour demander la condamnation de la société tierce. Les actionnaires invoquent la liberté contractuelle comme fondement juridique afin de contester la décision de la cour d'appel : la responsabilité délictuelle ne peut servir de base légale au motif que la liberté contractuelle autorise la libre rupture des pourparlers. De plus, la faute ne peut être invoquée, car il n'y a eu aucune manœuvre visant à tromper la confiance du partenaire. [...]
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