L'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 février 2007 concerne l'autonomie de l'obligation cambiaire. Cet arrêt présente un intérêt dans la mesure où il précise les obligations du tireur envers le porteur d'une lettre de change acceptée et contribue à assurer la sécurité de l'effet de commerce par le renforcement de la protection du porteur.
En l'espèce, un conflit opposait le tireur d'une lettre de change acceptée à sa banque escompteuse. Les lettres de change acceptées étant revenues impayées, le tireur avait été condamné à verser leur montant à une banque qui les avait escomptées. Pourtant, le porteur de la lettre de change avait déjà obtenu un titre judiciaire de condamnation à l'encontre du tiré accepteur, sans en avoir poursuivi l'exécution.
Le porteur avait donc exercé son recours cambiaire après avoir obtenu ce titre, ce qui aux yeux du tireur révélait la mauvaise foi du porteur.
La Cour d'appel confirme la solution rendue en première instance en jugeant que le tiers porteur de bonne foi est fondé à se retourner contre le tireur sans que celui-ci puisse lui opposer le titre obtenu en justice contre le tiré. Le tireur forme un pourvoi en cassation.
La question était donc de déterminer si le tireur était en mesure d'opposer au porteur de la lettre de change acceptée, la non-exécution du titre de condamnation obtenu par ce dernier contre le tiré.
[...] Pour la Cour de cassation, sauf convention contraire, le tireur d'une lettre de change acceptée, tenu par sa signature cambiaire d'une obligation indépendante, ne peut opposer au porteur la non-exécution du titre obtenu par ce dernier contre le tiré La Cour de cassation ne fait ici que tirer les conséquences de la solidarité cambiaire. La seule obligation du porteur consiste à demander paiement au tiré à l'échéance. En l'espèce, il avait rempli cette obligation. La Cour de cassation en déduit que le moyen n'est pas fondé et elle rejette le pourvoi. [...]
[...] En effet, le porteur est tenu à l'échéance de solliciter le paiement au tiré. S'il n'obtient pas le paiement, il va pouvoir mettre à profit toutes les ressources que lui offre la technique cambiaire contre le tiré accepteur et contre les autres signataires de l'effet. On sait que l'article L. 511-38 du Code de commerce dispose que le porteur peut exercer ses recours contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés, à l'échéance, si le paiement n'a pas eu lieu. [...]
[...] La non-exécution par le porteur du titre judiciaire de condamnation obtenu à l'encontre du tiré ne suffisait pas à établir la négligence du porteur au sens de l'article L511-49. L'engagement cambiaire du tireur est par essence indépendant. L'indépendance de l'obligation repose sur une absence de contrôle de la cause de cette obligation. Le tireur, du fait de l'acceptation, est présumé avoir fourni la provision. Puisque le tiré s'est déjà reconnu débiteur du tireur, ce dernier ne devrait plus être tenu envers le porteur. [...]
[...] La solution dégagée par la Cour de cassation est classique : elle rappelle le principe de l'inopposabilité des exceptions entre les parties tenues cambiairement. Son originalité réside en ce qu'elle applique cette règle au tireur de la lettre de change. Bien souvent, en effet, c'est plutôt le tiré qui se fait dire par les juges qu'il ne peut chercher à se dérober en invoquant des faits qui ont trait aux relations entre le porteur de la traite et un autre signataire cambiaire. [...]
[...] Sans doute, si le tireur n'était pas un débiteur solidaire, mais un simple garant du paiement, il aurait peut-être pu faire valoir que le porteur avait négligé d'exercer une voie d'exécution contre le débiteur principal, ce qui rendait caduque son engagement accessoire, à la manière de la caution. Le véritable fondement juridique de l'affirmation de l'inopposabilité des exceptions, faite par la chambre commerciale de la Cour de cassation, n'est pas tant le caractère cambiaire ou indépendant de l'obligation du tireur, mais plus vraisemblablement son caractère solidaire. [...]
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