La garantie autonome, pratique largement utilisée par le droit international, n'a que très récemment fait apparition dans le droit français au niveau des rapports internes entre simples particuliers. C'est en effet à partir des années 80 qu'elle s'est développée en France, longtemps régulée par l'effet de la jurisprudence, et ce n'est qu'en 2006 qu'elle a fait son apparition dans notre Code Civil.
Le premier problème qu'elle soulève, vu sa proximité avec le contrat de cautionnement et les risques qu'elle fait naître par rapport à ce contrat cousin, est celui de sa qualification. Et l'arrêt de Chambre commerciale du 13 décembre 1994 dont il sera question ici est une illustration parfaite de ces difficultés d'appréciation et de différenciation de l'un ou l'autre engagement.
Dans notre affaire, une banque était créancière d'une société qui avait été placée en redressement judiciaire. Une personne physique tierce avait souscrit une garantie autonome des obligations de la société en question à concurrence d'une certaine somme.
Cette personne, la garante, réfutait cette obligation de garantie autonome en invoquant le dol de la banque créancière et le fait que l'acte litigieux n'était non pas une garantie autonome, mais un cautionnement et que de fait, elle était fondée à se prévaloir du bénéfice de division et des exceptions inhérentes à la dette. Or, le bénéfice de division est un bénéfice dont seule bénéficie la caution simple. Ce bénéfice en outre n'a d'intérêt que s'il y a plusieurs cautions car le créancier est obligé d'actionner toutes les cautions et pas une seule d'entre elles.
[...] Ainsi, après avoir tenté d'expliciter le cheminement de pensée suivi par la Cour de Cassation, il convient de dégager les effets et enjeux découlant de la disqualification de l'acte de garantie autonome. La disqualification de l'acte de garantie autonome La disqualification opérée en l'espèce en l'espèce par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a pour effet de consacrer l'importance de l'objet de l'obligation mais ce l'objet de l'engagement est encore et toujours discuté entre jurisprudence et doctrine insatisfaites de l'imprécision de leur critère de distinction Consécration de l'importance de l'objet de l'obligation S'il a donc été jugé dans l'arrêt dont il est ici question de l'acte peut être requalifié de cautionnement dès lors qu'il est subordonné à une obligation principale, a contrario, dès lors que l'acte n'est subordonné à l'existence d'aucune obligation principale impayée par le débiteur, l'engagement peut être qualifié d'autonome. [...]
[...] Or assez souvent, l'acte est rédigé de manière assez obscure ce qui a conduit la jurisprudence a dégager des critères de qualification et de différenciation entre cautionnement et garantie autonome. Une grande partie du travail jurisprudentiel a été réalisé dans les années 80, et dans l'un des arrêts du 20 décembre 1982 cités plus haut, les juges ont retenu la présence d'expressions telles que garantie à première demande pour qualifier la garantie d'autonome. Dès lors que les parties avaient fait référence à une notion d'autonome, ou de garantie à première demande, même si le terme cautionnement était celui autour duquel les parties s'entendaient, la Cour de Cassation retenait la qualification de garantie autonome (Chambre Commerciale juin 1999). [...]
[...] Si cette interprétation est désormais partagée par la majorité, encore faut-il compter pour tous les cas où les garanties ont été contractées antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 2321 du Code Civil, sur la marge d'interprétation des juges résultant de la distinction retenue. [...]
[...] Mais entre risque de dénaturation et risque de mauvaise qualification, le juge va prendre parti et choisir de tenter le contrôle de qualification malgré tout. C'est ainsi qu'il va se trouver face à d'autres stipulations de l'acte en question prévoyant que la garante garantissait à la banque le remboursement de sa créance envers la société débitrice, et qu'elle s'engageait à régler toutes les sommes dues par (la débitrice) comme décrit ci-dessus Pour la Cour, en dépit de l'intitulé de l'acte et de la mention, même manuscrite de paiement à première demande, l'engagement litigieux ayant pour objet la propre dette du débiteur principal n'était pas autonome En effet, on observe ici que ce que veut dire la Chambre commerciale, c'est que si le paiement est subordonné à l'existence d'une obligation principale impayée par le débiteur, le garant est une caution en dépit des termes employés. [...]
[...] à un contrôle de l'intention des parties Dans notre arrêt du 13 décembre 1994, les juges de la Chambre Commerciale vont en quelque sorte former un arrêt de principe en matière de qualification de la garantie autonome en méconnaissant des clauses figurant de l'acte litigieux telles que bon pour garantie à première demande à concurrence de la somme de six cent mille francs ou engagement autonome de garantie exécutable à première demande pour aller rechercher l'objet de l'obligation, l'objet exact de l'engagement et requalifier ce contrat en garantie autonome. Tout d'abord, on observe qu'en présence de telles clauses, jusqu'alors les juges se seraient contentés de constater l'existence de ces stipulations pour effectuer la qualification de garantie autonome sans même aller plus loin. Mais ici, ils vont aller rechercher l'intention des parties, et voir dans leur intention ce qui a été déterminant. Or, selon l'article 12 du Code de Procédure Civile, le juge n'est pas tenu des qualifications données par les parties. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture