Gérard Cornu définit la mobilisation de créance comme l'opération réalisant le transfert d'une créance à terme par la négociation d'un effet de commerce. Les conflits liés à la mobilisation des créances sont multiples, et reflètent des situations de fait variées. On parle de « faux conflits » quand il n'y a pas de concours de droit sur la créance transmise. A l'inverse, les « vrais conflits » opposent des personnes qui prétendent être titulaires de droits concurrents sur la créance objet du litige. Dans ce cas, le bénéficiaire d'une cession de créances professionnelle se trouve en conflit avec d'autres titulaires de la même créance. Si certains de ces conflits font intervenir des agents non bancaires, d'autres opposent les banquiers mobilisateurs de créances.
Ainsi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt du 12 janvier 1999, est amenée à préciser la conciliation du principe « prior tempore, potior jure » - qui fait triompher le cessionnaire premier en date – avec le jeu des notifications. Dans cet arrêt, la Haute juridiction opère – dans l'hypothèse où la même créance a été cédée deux fois par bordereau Dailly – une distinction selon qu'une seule cession a été notifiée ou que les deux cessions l'ont été.
[...] Application de la théorie de l'apparence en cas de notification unique Pour résoudre le conflit opposant deux banquiers cessionnaires de la même créance, il convient de prendre en considération la chronologie des transmissions : celui qui a acquis le premier un droit opposable aux tiers doit primer. La doctrine est d'ailleurs unanime sur l'adoption ce cette règle depuis un arrêt rendu par la chambre commerciale le 5 juillet 1994, stipulant que, du fait de la cession préalablement intervenue au profit d'une banque cessionnaire, l'autre banque cessionnaire ne pouvait avoir la qualité de créancier et, a fortiori, recevoir paiement. [...]
[...] Elle précise que, si le débiteur cédé, avant d'exécuter le paiement, a reçu pour une même dette notification de deux cessions de créances concurrentes de la part de deux banques, il ne peut ensuite en payer le montant qu'à l'établissement dont le titre est le plus ancien Si le débiteur n'a été avisé que par une seule notification, il paiera valablement - à terme - le créancier qui lui a notifié la cession, quand bien même ce dernier serait second cessionnaire. En revanche, et là est l'apport de cet arrêt, en cas de pluralité de notifications, le débiteur doit donner la priorité au premier cessionnaire. Le principe prior tempore, potior jure s'applique alors. La haute juridiction impose néanmoins que les deux notifications aient été portées à la connaissance du débiteur cédé avant le paiement. Dans le cas contraire, s'appliquera la théorie de l'apparence. [...]
[...] Mais, selon le chambre commerciale, la mauvaise interprétation des règles relatives à la cession Dailly s'illustre aussi par la solution des juges du fond selon laquelle le conflit entre les cessionnaires ne peut être réglé par le débiteur cédé En d'autres termes, puisqu'il n'est pas libéré par un mauvais paiement, le débiteur cédé ne peut être écarté du conflit Une responsabilité implicitement reconnue au débiteur avisé La Cour d'appel est sanctionnée par la Haute juridiction pour avoir estimé que l'action en répétition devait être exercée non contre le débiteur cédé mais contre le cessionnaire ayant reçu un paiement indu. Sans pour autant l'affirmer, la chambre commerciale semble reconnaitre au banquier lésé un recours contre le débiteur. Du moins ne l'écarte-t-elle pas puisqu'elle sanctionne les juges du fond qui, eux, le refusaient. [...]
[...] Mais qu'en est-il lorsque la double cession a fait l'objet de deux notifications distinctes, et que les cessionnaires pensent, à terme, être tous deux dans leur droit ? 2. Aménagement du principe en cas de pluralité de notification La double cession de créances met le débiteur dans une situation délicate, a fortiori si chacune des mobilisations a été notifiée par des banquiers diligents. Dans ce cas, le débiteur ne peut plus ignorer qu'il se trouve face à deux créanciers cessionnaires. La question se posait alors à la Chambre commerciale de savoir quel créancier devait être payé par le débiteur cédé. [...]
[...] La notification de la cession au débiteur cédé permet de renforcer les droits du cessionnaire en évitant que le débiteur ne se libère entre les mains du cédant. Mais il ne s'agit que d'une faculté pour la banque cessionnaire. Il est, par définition, libre de notifier ou de ne pas notifier la cession. L'espèce illustre ainsi un fait contradictoire : alors que la notification est faite pour renforcer les droits du cessionnaire, celui-ci peut se voir lésé au moment du paiement - quand bien même aurait- il été suffisamment diligent - ne sachant pas que sa créance avait déjà été cédée. [...]
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