La qualification du contrat de coffre fort a suscité de nombreux débats en doctrine et jurisprudence, et reste à ce jour, une question ouverte.
En effet, par un arrêt du 11 octobre 2005, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à se prononcer, de nouveau, sur cet épineux problème.
En l'espèce, une banque a loué, par contrat, un coffre fort à un client. Suite à un incendie, le Préfet de police de Paris a pris un arrêté de péril. Or, même si la salle des coffres n'a pas été directement endommagée, le client n'a pu avoir accès à son coffre pendant près d'un an, en raison d'importants travaux. De ce fait, il n'a pas eu la possibilité de reprendre possession de ses bons au porteur contenus dans son coffre et ainsi percevoir les intérêts auxquels la présentation physique de ces titres lui donnait droit. Le client a alors assigné sa banque en responsabilité.
Par un arrêt du 26 novembre 2002, la cour d'appel de Paris a retenu la responsabilité sans faute de l'établissement bancaire pour trouble de jouissance du coffre fort et l'a condamné à verser d'importants dommages et intérêts à son client.
La Banque a alors formé un pourvoi en cassation sur le fondement des articles 1722 du Code civil, et 455 et 954 du NCPC, au motif que le contrat par lequel une banque concède à son client l'usage d'un coffre fort, moyennant un loyer, est un contrat de location soumis aux dispositions du Code civil relatives au contrat de bail, même si le client n'a pas la libre jouissance de son coffre auquel il ne peut accéder qu'avec le concours du banquier. En
conséquence, le banquier considère qu'il échappe à toute responsabilité en cas de force majeure ou en raison du fait de la puissance publique, sauf s'il a commis une faute ou une imprudence ayant entraîné ce trouble de jouissance. De plus, la banque soulève qu'en cas de sinistres, l'indemnisation n'est possible que si la preuve de l'absence de diligence normale convenue et celle de la consistance et du montant du préjudice est apportée par le client.
Dès lors, la Haute juridiction s'est trouvée confrontée à la question suivante : L'application des dispositions de l'article 1722 du Code civil, relatives au contrat de bail, peut-elle être étendue au contrat de coffre fort auquel un client ne peut accéder qu'avec le concours du banquier ?
[...] La jurisprudence déclare que l'objet du contrat est seulement d'assurer l'utilisation du coffre (Reichsgericht mai 1938). Par ailleurs, et a contrario, le Code civil italien contient une réglementation des contrats de coffre fort (C. civ., art à 1841). Cette réglementation est complétée par des règles bancaires uniformes, codifiées par l'Associazione bancaria italiana. Le contrat de coffre-fort est considéré comme une forme de louage. En cas de vol par effraction, la banque est responsable si les coffres ou les locaux n'étaient pas suffisamment protégés. Les clauses d'irresponsabilité ne jouent pas en cas de faute lourde (C. [...]
[...] Toutefois, il semble difficile d'assimiler totalement le contrat de coffre fort et celui de bail. D'une part, le titulaire du coffre n'en assume pas la responsabilité. Le coffre reste entre les mains du banquier qui, seul, en assume la garde et la responsabilité. Ce serait alors un "bail de jouissance locative", le bailleur conservant la possession juridique et même la détention matérielle de la chose louée. D'autre part, le titulaire d'un coffre ne peut y accéder librement, de sorte que son droit de jouissance n'est pas paisible au contraire de celui du locataire (F. [...]
[...] Cependant, par un arrêt du 29 mars 1989, la première chambre civile de la Cour de cassation a admis que l'obligation de surveillance s'analyse en une obligation de résultat à la charge du banquier. Nous pouvons, dès lors, en déduire le régime de responsabilité applicable : celui-ci ne pourra s'exonérer qu'en cas de force majeure. Ici, la Cour de cassation retient la responsabilité sans faute du banquier pour trouble de jouissance, consécutif à l'incendie et non pas à l'arrêté de péril. [...]
[...] Cette conception est confirmée en l'espèce où la Cour de cassation, tout en employant le terme de location, refuse d'appliquer au contrat de coffre fort, le régime juridique du bail. La Haute Cour fait donc siennes, les deux critiques majeures avancées par la doctrine à l'encontre de l'assimilation du contrat de coffre fort et du bail. Enfin, certaines décisions ont pu voir, dans le contrat de coffre fort, une forme de contrat de louage de services, échappant, à ce titre, à l'application de l'ordonnance du 30 juin 1945 et aux arrêtés ministériels de blocage des prix (T. [...]
[...] La doctrine et la jurisprudence sont encore très divergentes quant à la qualification du contrat de coffre fort (contrat de dépôt ; de bail ; de louage ; d'entreprise Quelques auteurs (J. Huet ; J. Ghestin) qualifient cette convention de dépôt, au sens des articles 1915 à 1948 du Code civil. Ils soulignent que l'ignorance par le banquier du contenu d'un coffre ne ferait pas obstacle à cette analyse, car selon l'article 1931 du Code civil, le dépositaire "ne doit point chercher ( . [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture