L'article 1603 du Code Civil dispose que « le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir ce qu'il vend ». La proposition ne semble pas tout à fait exacte puisque l'article 1602 alinéa 1er du Code Civil affirme que « le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige » ce qui fonde une obligation de renseignement du vendeur. Ainsi, la vente ne connaît pas seulement deux, mais une multiplicité d'obligations qui ont, en outre, subi un phénomène de sophistication au rythme de la progression de la société de consommation. C'est de l'obligation de renseignement et de conseil, puis de l'obligation de délivrance que traite l'arrêt de la Chambre Commerciale du 11 juillet 2006.
En l'espèce, la société CDA a vendu à la société Téléfil santé un logiciel. Après avoir payé deux acomptes, Téléfil refuse de payer le solde du prix, invoquant des dysfonctionnements du matériel vendu. Téléfil demande alors des dommages et intérêts à CDA en réparation du préjudice qui lui a été ainsi causé. La Cour d'Appel de Limoges la déboute de sa demande et a condamné à verser le solde à CDA au motif que Téléfil n'avait pas informé CDA que la police de caractère « Roman » n'existait pas sur son imprimante. Il semble donc que la Cour d'Appel considère que l'acheteur était tenu d'une obligation de renseigner le vendeur. Téléfil se pourvoit en cassation, niant toute obligation de renseignement lui incombant en tant qu'acheteur. Le problème qui est alors soulevé est de savoir si l'obligation de renseignement et de conseil est une obligation générale due par le vendeur à l'acheteur en toute circonstance ou bien si l'acheteur doit s'informer, voire renseigner le vendeur, de sorte à ne pas être simplement passif face à ce dernier.
[...] La Cour d'Appel ne retient donc pas de manquement du vendeur à son obligation de délivrance du fait de la mauvaise installation par ce dernier du matériel vendu. Cela soulève donc un second problème : L'obligation de délivrance consiste-t-elle en la seule mise en possession de la chose vendue par l'acheteur ou s'étend-elle à son installation par le vendeur ? La Chambre Commerciale casse à nouveau la décision de la Cour d'Appel sur ce point en précisant que l'obligation de délivrance du vendeur de produits complexes n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue L'on peut en outre relever que la Cour emploie ici le terme de produits complexes et non plus de matériel informatique le premier étant beaucoup plus large L'espèce soulève alors deux problèmes relatifs aux obligations du vendeur qu'il convient d'étudier successivement. [...]
[...] Cela confirme la jurisprudence préétablie selon laquelle l'obligation d'information pèse essentiellement sur le vendeur, seule son intensité peut varier en fonction des qualités des parties. Cela nous permet de supposer que la solution aurait été différente si l'acheteur avait été un professionnel de la même spécialité que le vendeur, auquel cas il aurait eu les compétences nécessaires pour déceler cette incompatibilité entre le logiciel et l'imprimante. La Cour de cassation pose donc une présomption que le vendeur sache (présomption irréfragable déjà posée dans l'affaire du pain maudit de Pont Saint esprit), mais de l'autre côté on ne présume pas que l'acheteur sait. [...]
[...] Nous avons tous en mémoire l'affaire des Photos de Baldus du 3 mai 2000 dans laquelle la Cour de cassation affirmait clairement qu'il ne pesait aucune obligation d'information sur l'acheteur. Au contraire la Chambre Commerciale, dans l'arrêt des Grands moulins de Paris du 27 février 1996, avait retenu le dol du cessionnaire d'actions qui en a dissimulé la véritable valeur. Les solutions de ces deux affaires sont contradictoires, ce qui permet d'introduire le débat sur une éventuelle obligation de l'acheteur de renseigner le vendeur. [...]
[...] Mais, ne pourrait- on pas avancer que la conformité suppose une utilisation conforme de la chose par l'acheteur ? Il semble que oui aux termes de l'article L.211-4 alinéa 2 du Code de la Consommation sur la garantie de conformité créée par la Directive du 25 mai 1999 et transposée par l'Ordonnance du 17 février 2005. Cet article dispose que [le vendeur] répond des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité Il est donc clair que par cette solution, la Cour de cassation crée un lien avec l'article L.211-4 alinéa 2 du Code de la Consommation. [...]
[...] La Cour de cassation rajoute alors une condition à l'exécution correcte de l'obligation de délivrance incombant au vendeur. En fait, la Cour de cassation crée ici une suite : le contrat n'est pas seulement sa lettre, mais aussi son esprit. En effet, si l'acheteur d'un produit complexe est mis en possession dudit produit mais n'est pas en mesure, du fait qu'il est dépourvu de toute compétence en la matière de l'utiliser, peut-on alors objectivement considérer que le vendeur a pleinement satisfait à son obligation de délivrance ? [...]
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