Aux termes de l'article 1591 du Code civil, "le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties". Quant à savoir de quelle manière interpréter cet article, la Cour de cassation admet une grande souplesse en la matière. Tout d'abord le prix ne doit pas forcément être déterminé, il peut seulement être déterminable. Et cette appréciation du caractère déterminable a donné lieu à une jurisprudence importante durant les années 1990.
L'arrêt rendu par la chambre commerciale le 10 mars 1998 s'inscrit dans cette évolution: il confirme la vague de souplesse initiée notamment avec les arrêts du 1er décembre 1995 sur le thème de l'exigence de déterminabilité du prix. En l'espèce, après avoir acquis une partie des actions du cédant, un cessionnaire avait consenti une promesse unilatérale d'achat pour les actions restantes dans un délai de huit années. La clause précisait que le prix serait "fonction de l'évolution des résultats et de la valeur réelle de l'entreprise au moment de chaque transaction". Mais au cédant qui réclamait l'exécution forcée de la vente du solde des actions, le cessionnaire prétendait la nullité de la promesse consentie en raison du caractère indéterminable du prix.
La question pour les juges était donc de déterminer si, eu égard aux stipulations de la promesse d'achat, le prix était déterminable au sens de l'article 1591 et si, par conséquent, la promesse devait être annulée ou non.
[...] I - L'appréciation souple du caractère déterminable du prix Conformément à l'article 1591 du Code civil, "le prix doit être déterminé". Si en l'espèce il ne peut être considéré que le prix soit déterminé, les juges du fond avalisés par la Cour de cassation vont néanmoins affirmer qu'il est déterminable: ce prix est d'une part indépendant de la volonté des parties et revêt d'autre part un caractère sérieux et objectif A - Un prix indépendant de la volonté des parties Selon un arrêt rendu par la chambre commerciale le 24 mars 1965, le contrat de vente n'est parfait que s'il permet, au vu de ses clauses, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant plus de la volonté de l'une des parties ou de la réalisation d'accords ultérieurs. [...]
[...] Il est clair que cela suscite débat, d'autant plus que de nombreuses "méthodes de calcul" sont envisageables en la matière. Malgré toutes ces imprécisions, la Cour de cassation affirme sans réserve que la cour d'appel ainsi fait ressortir le caractère objectif du critère choisi pour la fixation du prix". Si les juges du fond ont affirmé cette prétendue objectivité, il semble en revanche plus discutable qu'ils l'aient réellement démontrée. Quoi qu'il en soit, c'est avant tout l'exigence remplie d'objectivité qui ressort de l'attendu de la Cour de cassation, ce qui se rapproche d'ailleurs assez de l'indépendance vis-à-vis des parties. [...]
[...] Il peut craindre à juste titre que cette mission de chiffrage du prix ne se transforme en une redétermination totale du prix, tâche qui incombe légalement aux parties contractantes. Reste à se demander si la volonté des juges de sauver le contrat doit aller jusqu'à accepter à bras ouvert une convention comportant pourtant une imperfection dans l'un de ses éléments fondamentaux. [...]
[...] Cette seconde partie de l'arrêt apparait ainsi comme une mesure d'exécution de la première, ce qui n'empêche pas de douter de son bien-fondé, étant donné sa conséquence, à savoir l'intervention d'un tiers dans le contrat en l'absence de toute réquisition par les parties. B - La mise à mal du principe de détermination du prix par les parties Étant donné les circonstances de l'espèce, il aurait été étonnant et peu justifié de voir les juges annuler la promesse d'achat en raison de l'imprécision des éléments permettant de fixer le prix des actions. [...]
[...] Quand bien même la Cour de cassation aurait estimé que le prix était déterminable au sens de l'article 1591, il aurait pu être laissé une nouvelle fois aux parties l'occasion de fixer le prix qui, toujours selon cet article, doit être déterminé par elles. Ce qui peut être considéré comme une atteinte à la liberté contractuelle notamment exprimée dans l'article 1134 du Code civil selon lequel "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites» n'a pas échappé au demandeur au pourvoi. [...]
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