Depuis l'ordonnance du 23 mars 2006, la lettre d'intention figure à l'article 2287-1 du Code civil au terme duquel, « les sûretés personnelles régies par le présent titre sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d'intention. » Ce texte énonce donc la nature de la lettre d'intention. Il s'agit d'une sûreté personnelle, c'est-à-dire une convention qui confère au créancier le droit de réclamer le paiement de sa créance à une ou plusieurs personnes autres que le débiteur principal. Cette même ordonnance a défini la lettre d'intention. Au terme de l'article 2322 du Code civil, il s'agit d'un « engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ». Cette ordonnance a consacré la lettre d'intention, qui au départ, n'était nullement contenue dans des dispositions de droit commun. C'est la pratique des affaires et les critiques faites au cautionnement qui ont conduit à développer d'autres mécanismes, dont la lettre d'intention.
En l'espèce, il s'agit d'un engagement par lequel la société mère doit tout faire afin de soutenir financièrement sa filiale. Les parties à l'obligation principale sont la société Verboom qui est débitrice d'une obligation envers la Société générale. La société Askea qui est la société mère est le confortant. Elle est la garantie de sa filiale et par là même, débitrice de la lettre d'intention qu'elle a conclue à l'égard de la Société générale, en marge de l'obligation principale qui met en relation la société Verboom et la Société générale.
De quelle obligation la société mère qui s'engage en garantie de sa filiale est-elle tenue lorsqu'elle s'engage à « faire le nécessaire » pour que cette dernière respecte son contrat avec son créancier ? Est-elle tenue d'une obligation de moyen ou de résultat ? Quel est l'intérêt de cette distinction ? Quelles en sont les conséquences ?
[...] Il s'agira du plombier de qui l'on attendra qu'il répare une fuite. Celui qui est tenu d'une obligation de moyen s'engage à faire tout son possible pour atteindre un résultat, mais ne promet pas qu'il y parviendra, car il n'est pas en mesure de le faire. Ainsi en est-il de l'avocat qui ne peut pas garantir à son client qu'il évitera une condamnation. En l'espèce, la Cour de cassation considère que l'obligation de faire le nécessaire pour que la filiale respecte ses engagements s'entend comme une obligation de résultat. [...]
[...] D'autre part, la Cour d'appel allait à l'encontre de la jurisprudence, puisqu'en rendant un arrêt en novembre 2002 reconnaissant une obligation de moyen, la Cour de cassation estimait a contrario en juillet 2002 que l'obligation de faire le nécessaire pour soutenir sa filiale s'entendait comme une obligation de résultat. Par conséquent, cette décision procure un avantage important pour la Société générale puisque la preuve de la faute qu'a pu commettre la société Askea n'est pas chose facile. En outre, d'après le lexique des termes juridiques Dalloz, une filiale est une société dont le capital est possédé pour plus de la moitié par une société mère dont elle est juridiquement distincte, mais économiquement et financièrement dépendante. [...]
[...] La Société générale demande devant la Cour d'appel de Paris la condamnation de la société Askea à lui payer des dommages et intérêts selon le moyen qu'elle aurait manqué à son obligation tendant à faire le nécessaire afin que sa filiale remplisse ses engagements. La cour d'appel de Paris, par un arrêt en date du 19 novembre 2002, a accueilli cette demande. Un pourvoi est formé par la société Askea qui invoque le moyen selon lequel le créancier d'une obligation de moyen doit démontrer la faute de son débiteur La Cour de cassation rejette le pourvoi en invoquant le fait que la société mère était tenue d'une obligation de résultat et que par là même, la Société générale bénéficie d'une présomption de faute tirée du fait que la société mère a manqué à son obligation. [...]
[...] Les conséquences de la qualification de l'obligation En l'état de l'obligation de résultat ainsi contractée, il n'appartenait pas à la Société générale de faire la preuve de la faute commise par la société Askea La Cour de cassation ayant donc reconnu expressément que la société Askea n'avait pas rempli l'obligation de résultat à laquelle elle était astreinte, il convient d'en tirer les conséquences ; conséquences tant au niveau du régime de la preuve qu'eu égard à la nature de la lettre d'intention A. L'efficacité de la lettre d'intention Le mécanisme particulier de la lettre d'intention se différencie très largement du cautionnement quant à la mise en œuvre de l'obligation. En effet, en matière de cautionnement, la caution s'engage à payer la dette du débiteur. Or, concernant la lettre d'intention, la garantie s'engage à faire ou à ne pas faire quelque chose. [...]
[...] En effet, la distinction entre le cautionnement et la lettre d'intention n'est pas toujours des plus claires. C'est pourquoi, dès l'origine, la Chambre commerciale a clarifié les choses dans son arrêt du 21 décembre 1987. L'arrêt énonce qu'« il appartient au juge de donner ou restituer son exacte qualification à un pareil acte sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée Autrement dit, la Cour de cassation s'octroie le pouvoir de requalifier l'acte en cause, selon qu'il contienne les indices d'un contrat autre que celui dont les parties ont entendu souscrire. [...]
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