Bien que le Code civil ne consacre à la délégation qu'un seul article (article 1275), cette institution conserve aujourd'hui un rôle essentiel en droit des obligations. Concurrencée par de nombreuses autres notions voisines (novation, cession de créances, stipulation pour autrui, indication de paiement), elle répond à un régime strict marqué par un rapport de droit propre et personnel entre le délégataire, bénéficiaire de la délégation et son débiteur final, le délégué. Cette obligation, distincte du rapport initial entre le délégant et le délégataire, produit des effets irréversibles pour le délégué qui a accepté de participer à la délégation. L'arrêt de la Chambre commerciale du 21 juin 1994, dit Deneux, en est une illustration.
[...] Cette décision est sans surprise, elle confirme la position jurisprudentielle de la même Chambre du 22 juin 1983. Elle accorde également la doctrine de façon presque unanime. Seul Marc Billiau a développé une thèse contraire.Cependant, elle n'avait jamais été donnée avec une telle netteté, et de ce fait, une force juridique qui l'élève au rang d'arrêt dit de principe. I. L'INDIFERRENCE DE LA CAUSE DE L'ENGAGEMENT DU DELEGUE ENVERS LE DELEGATAIRE Après avoir étudié l'impossibilité pour le délégué d'invoquer la répétition de l'indu de par l'objet même son engagement qu'est la délégation supposant son plein consentement nous verrons que la disparition de la cause de la délégation, que ce soit une dette envers le délégant ou une intention libérale, est parfaitement indolore pour le délégataire qui bénéficie d'un droit propre contre le délégué A. [...]
[...] Cette condition marque la particularité de la délégation qui comme en l'espèce, exclut toute possibilité de répétition de l'indu. Décider de l'opposabilité des exceptions nées entre le délégué et le délégant reviendrait donc à nier toute l'originalité et la spécificité de la délégation. Cette option créerait alors l'effacement progressif de la division entre la cession de créances et la délégation et cette dernière perdrait littéralement de sa valeur. C'est pourquoi la Cour de cassation sans doute souhaité réaffirmer l'inopposabilité des vices dans les rapports délégué-délégant au délégataire, afin que cette institution de plus en plus sollicitée de nos jours, soit conservée en accord avec les termes larges de l'article 1275 du Code civil. [...]
[...] En effet, la délégation entraine la création d'une obligation nouvelle entre le délégué et le délégataire alors que la cession de créances entraine quant à elle une simple transmission. Ce nouveau rapport est donc solide, car il est unique et non pas calqué sur un autre rapport de droit qui peut éventuellement être grevé d'exceptions. De plus, le délégué s'engage au profit du délégataire. Son consentement est indispensable, contrairement à la cession de créances où le consentement du cédé n'est pas nécessaire. [...]
[...] La Cour d'Appel de Montpellier rejette cette demande le 25 juin 1991 déclarant qu'il importait peu que M. Deneux ait été, ou non, débiteur à l'égard de M. Dumaine, délégant M. Deneux forme un pourvoi en cassation reprochant à cette décision : La fausse application de l'article 1275 du Code civil en ce sens que la délégation suppose l'existence d'une créance du délégataire sur le délégant, mais également d'une créance de ce dernier sur le délégué, que cette délégation ne peut servir de cadre à une simple libéralité ; La méconnaissance des termes du litige dans le fond par interprétation de cette délégation fondée sur une intention libérale, en réalité, inexistante, et donc de la violation de l'article 4 du Nouveau Code de procédure civile. [...]
[...] La Chambre commerciale a jugé dans cet arrêt que la délégation était valable en l'absence de dette du délégué envers le délégant. Or, on sait que la stipulation pour autrui est aussi indépendante des relations éventuellement existantes entre le stipulant et le promettant. Cette comparaison laisse imaginer qu'une confusion de ces institutions est alors possible.Donc, selon Marc Billiau, l'attachement à cette condition de préexistence de la dette permettrait de mieux distinguer la délégation de la stipulation pour autrui. Cet avis reste limité cependant, car des différences entre ces institutions subsistent comme la condition de l'acceptation du délégataire inexistante pour le tiers bénéficiaire de la stipulation ou l'opposabilité des exceptions du promettant envers le tiers bénéficiaire évincé dans la délégation. [...]
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