Par principe, le juge ne peut s'immiscer dans les relations contractuelles pour les conformer à ses propres conceptions de l'équité et de la justice économique. Le contrat s'impose au juge. Cependant, cette généralité prend un relief particulier concernant la théorie de « l'imprévision ».
Par un arrêt de la chambre civile du 6 mars 1876, la Cour de cassation a donné sa position sur cette théorie. En 1560 et 1567, Adam de Craponne passe des conventions avec la commune de Pelissanne et les syndics des arrosants, stipulant une redevance d'arrosage par un canal contre trois sols pour chaque carteirade. Adam de Craponne, par ces accords, doit entretenir à ses frais le canal. Le Marquis de Galliffet, héritier d'Adam de Craponne, affirme que l'entretien du canal n'est plus proportionné avec la redevance d'arrosage. Le marquis de Galliffet, demandeur, assigne la commune de Pelissanne et les syndics des arrosants, défendeurs, pour l'élévation du prix de la redevance d'arrosage.
Le problème est ici de savoir si les tribunaux judiciaires avaient la compétence de réviser une convention suite à des changements de temps ou de circonstances.
[...] Cela signifie qu'il n'est pas admis que les tribunaux judiciaires, en se basant sur des évènements, puissent modifier une convention. Même si cela leur parait plus juste de rééquilibrer les prestations de chacun, ce n'est pas de leurs compétences. Substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants (lignes 11-12) ne fait pas non plus partie de la compétence du juge, il ne peut ôter des dispositions particulières d'un acte juridique que les parties ont inséré au moment de la négociation. [...]
[...] Si Adam Craponne avait prévu ces bouleversements, il n'aurait pas conclu le contrat ainsi avec la commune de Pelissanne et les syndics des arrosants. Cela est une atteinte directe au principe de l'autonomie de la volonté. C'est une idée philosophique et juridique selon laquelle la volonté librement exprimée des parties a le pouvoir de créer des obligations. Appliquer un contrat où l'une des parties est dominée par une autre, et de ce fait souhaite modifier son engagement va à l'encontre du respect de la volonté des parties. [...]
[...] La révision aurait entrainé un cercle vicieux. L'autre partie se serait sentie elle aussi en déséquilibre, et aurait donc demandé par la suite une révision. La possibilité d'une révision aurait pu se réaliser au nom de l'article 1135 du Code civil, en vertu duquel Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature Mais en affirmant que quelque équitable que puisse apparaître leur décision (ligne la Cour de cassation refuse un recours à l'équité pour prétexte. [...]
[...] Selon l'article 1134 du Code civil, seules les parties peuvent réviser leur contrat. Cette disposition s'applique pour toutes les conventions, de manière générale et absolue. C'est l'idée d'un consentement mutuel Par conséquent les contractants sont toujours libres de convenir de réviser leur convention, ou d'y mettre fin, en vertu du principe du parallélisme des formes (ce qui a été fait par un organe peut être défait par ce même organe). Les parties peuvent aussi insérer dans leur contrat des clauses prévoyant de telles révisions. [...]
[...] Ce projet serait une grande avancée, car il trouve un juste milieu entre l'équilibre d'un contrat, et le respect de la volonté des parties de négocier le contrat elles-mêmes, puisqu'il n'accorde pas un pouvoir révisionnel au juge. Les deux autres projets vont bien au-delà, puisqu'ils accordent un pouvoir de révision au juge. S'ils sont acceptés, ils enterreraient définitivement l'arrêt de 1876. Le refus du juge judiciaire de se voir compétent pour réviser un contrat pour imprévision est catégorique, mais il est critiquable. Il est actuellement incompétent en la matière, mais beaucoup de brèches sont en place pour donner lieu à un éventuel changement. [...]
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