L'arrêt Canal de Craponne consacre clairement le principe de non-ingérence du juge dans la vie contractuelle, donc ainsi le refus de la théorie de l'imprévision.
Cet arrêt a été rendu le 6 mars 1876 par la Chambre civile de la Cour de cassation.
La Haute cour se voit être confrontée à la question de droit suivante : l'imprévision justifie-t-elle l'éviction, par le juge au moyen de la révision du contrat, du principe selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ?
[...] Henri, Léon et Jean Mazeaud ont écrit à cet égard qu' il serait extrêmement dangereux de laisser le contrat à la discrétion du juge ; intervenant dans l'exécution de la convention avec son sentiment personnel de l'équité et de l'intérêt général, il ruinerait le contrat et mettrait en péril l'économie tout entière en supprimant la sécurité dans les rapports contractuels Ainsi est rejetée dans cet arrêt la théorie de l'imprévision, et ce, au nom de deux principes chers à la tradition française : le juge ne peut réviser un contrat déséquilibré, et il en va tout d'abord du respect de la parole donnée (pacta sunt servanda), ceci assurant une stabilité contractuelle porteuse de sécurité juridique, condition sinequanone pour que le contrat préserve son intérêt économique. Il existe donc une méfiance à l'égard de l'intervention du juge dans le contrat. [...]
[...] Parallèlement et à une échelle autre, le droit français se voit être très isolé : en effet, d'autres pays ont accepté la révision judiciaire des contrats pour imprévision. On n'y constate ni champ de ruine contractuel, ni usage immodéré par les juges de leur pourvoir de révision. L'originalité du droit français étonne. Nous l'avons déjà vu au sujet de la cause, spécificité bien française, elle est d'autant plus au sujet du principe de non ingérence du juge dans la vie contractuelle. [...]
[...] Cette exigence de bonne foi a été de même consacrée plus récemment par l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 10 juillet 2007 : Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties note L. Leveneur. Nous remarquons bien ici le tempérament à ce principe de non-ingérence du juge dans le contrat : il ne peut en modifier la substance, mais peut engager la responsabilité civile du contractant déloyal. Cette révision peut être appréhendée comme sanction ou comme remède avec par exemple la révision de clauses pénales manifestement excessives et dérisoires ainsi que la révision des contrats conclus avec un débiteur ayant des difficultés économiques. [...]
[...] Cet arrêt, dit arrêt Canal de Craponne, a été rendu le 6 mars 1876 par la Chambre civile de la Cour de cassation. En l'espèce, des conventions avaient été conclues en 1560 et 1567 avec pour objet la prestation d'apport d'eau destinée à alimenter des canaux d'irrigation de la plaine d'Arles. L'entreprise exploitant le canal de Craponne, au nom de la baisse de la valeur de la monnaie et de la hausse du coût de la main-d'œuvre au cours du XIXe siècle, circonstances imprévisibles et lésionnaires à son détriment, demande alors une majoration de la taxe qui n'est plus en rapport avec les frais d'entretien de son canal. [...]
[...] Mais par souci de concision, nous n'aborderons pas ces points qui laissent transparaître le fait que le principe de l'intangibilité n'est pas un dogme absolu : c'est en quelque sorte un instrument technique qui s'inscrit dans une politique économique qui peut ainsi subir des variations en fonction du contexte, et ce, dans un certain souci de solidarité. L'Avant-projet français de réforme du droit des contrats va dans ce sens : le principe de non-ingérence du juge dans la matière contractuelle reste le principe prépondérant, des tempéraments en cas de changements de circonstances restant cependant envisageables. [...]
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