L'opposabilité des Exceptions inhérentes à la dette, cession de créance
L'arrêt n° 08-22.000 rendu par la Chambre commerciale le 12 janvier 2010 de la Cour de cassation est un arrêt de principe. Il vient ainsi modifier et clarifier le régime des exceptions opposables au cessionnaire par le débiteur cédé lors d'une cession de créances.
En l'espèce, une créance de loyers résultants d'un bail d'habitation est transmise à un cessionnaire, créancier du bailleur selon les modalités de la cession de créances prévues par l'article 1690 du Code civil. Ultérieurement, le preneur refuse de s'acquitter du paiement des loyers, excipant du défaut d'exécution par le cédant de ses obligations de délivrance et d'assurance d'une jouissance paisible.
Le cessionnaire demande au juge des référés la condamnation du preneur au paiement d'une provision de loyers. Sa requête est rejetée du fait du caractère sérieusement contestable de la créance. Il interjette donc appel, et les juges du fond vont là encore rejeté sa demande.
La question qui se pose alors devant la chambre commerciale est de savoir si un débiteur cédé peut opposer une exception d'inexécution au cessionnaire après la signification de la cession au sens de l'article 1690 du Code civil.
La Cour de cassation va donner raison au preneur d'avoir invoqué l'exception d'inexécution de ses obligations par le cédant à l'encontre du cessionnaire estimant que « le débiteur peut invoquer contre le cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette même si elles sont apparues postérieurement à la notification de la cession ».
[...] Ainsi, on peut penser qu'à la manière de X. Delpech que l'exception était en germe à la date de la cession, ou, plus exactement, au moment où celle- ci prend effet à son endroit et devient opposable, c'est à dire au moment de la signification de cette cession. L'idée selon laquelle l'exception d'inexécution est en germe lors de la cession permet de rapprocher cette décision de celle évoquée précédemment en matière de compensation, postérieurement à la signification, par dettes connexes. [...]
[...] Aussi on remarque que la Cour de cassation aurait visé le contrat initial de sa substance et établit ainsi un déséquilibre entre les parties si elle avait ignoré l'origine de la créance. De plus, la cause aurait dès lors disparu du contrat, car la contrepartie aurait disparu. Ceci était dès lors difficilement envisageable. En l'espèce, la qualification d'inhérentes à la dette permet donc de désigner les exceptions qui affectent la validité ou la force obligatoire du contrat ayant donné naissance à la créance cédée. [...]
[...] Le régime des exceptions opposables semble donc équilibré , toutes les exceptions n'étant pas libérées des obligations de l'article 1690 du Code civil, seul les exceptions inhérentes le sont. [...]
[...] De retour à l'espèce, le cédé refusait le paiement de ces loyers à compter de mai 2006, en raison d'une exception d'inexécution, soulevée postérieurement donc à la signification de la cession. Le cédé ne pourrait donc pas se prévaloir ide cette exception qu'il détenait à l'encontre de son bailleur (le cédant) car elle est soulevée postérieurement à la cession de créances. A suivre, ce raisonnement de droit positif pur, le pourvoi aurait pu être accueilli par le juge, car il apparaît à première vue juridiquement fondé. [...]
[...] Pour expliquer cette différence de régime, les auteurs Stoffel-Munck, Malaurie et L. Aynès exposent que le cédé n'est tenu envers la cession que si le contrat qui a fait naitre la créance demeure obligatoire ; par conséquent, tout ce qui fait disparaître cette force obligatoire (nullité, résolution) fait disparaître le droit du cessionnaire (Les Obligations, Desfrenois). On déduit de cela qu'il sera non pertinent de savoir si l'atteinte à la force obligatoire est antérieure ou postérieure à l'accomplissement des formalités d'opposabilité de la cession de l'article 1690 du Code civil. [...]
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