Lemaire 9 mai 1984. Responsabilité civile des enfants et aliénés.
Traditionnellement la jurisprudence excluait la responsabilité civile des êtres tels que les enfants en bas âge ou les aliénés. Puisque, pour qu'il y ait responsabilité la faute suppose un élément matériel et un élément intentionnel, car il faut être doué de discernement ce dont l'enfant est dépourvu. La jurisprudence est venue assouplir la notion de faute, mais c'est surtout, l'arrêt Lemaire 9 mai 1984 qui viendra amputer la faute de son élément moral. On peut par conséquent reprocher à un enfant sa faute et engager la responsabilité des parents pour la faute de leur enfant.
En l'espèce, dans cet arrêt un jeune enfant âgé de treize ans, est mort des suites d'une électrocution alors qu'il était en train de visser une ampoule sur une douille. Quelques temps auparavant un électricien avait effectué des travaux d'électricité dans l'étable où se sont produits les faits. Les consorts assignent l'ouvrier électricien et le dirigeant de la société qui l'emploi en réparation des préjudices devant le tribunal correctionnel qui considère l'ouvrier comme irresponsable de la mort de l'enfant au motif que celui-ci n'était pas tenu par une obligation d'en vérifier l'installation.
La question présentée devant la cour de cassation est celle de savoir si une faute d'un enfant victime, ayant concouru à la réalisation du dommage, peut être retenue contre lui, et ce, même s'il n'a pas conscience de la gravité de ses actes.
[...] Qu'est-ce qui a poussé la cour d'appel et la cour de cassation à juger un enfant dépourvu de discernement et qui fut victime du préjudice, responsable ? II. Des conséquences pratiques d'une appréciation in abstracto de mineurs L'affirmation d'une responsabilité construite autour de la notion de faute objective Nous savons qu'il existe deux types d'appréciation : l'appréciation in contrario qui conduit à se demander si la personne a eu conscience de violer l'obligation qui s'imposait à elle. Cette appréciation conduit à la notion romaine de l' Infans c'est-à-dire de l' incapable de discernement. [...]
[...] Elle va jusqu'à admettre la possibilité d'une responsabilité de l'enfant qui fut victime d'une électrocution au motif qu'il aurait dû in abstracto couper le courant avant de dévisser l'ampoule. Cela conduit à parler du principe du discernement et d'en définir son rôle. Le principe du discernement est prévu à l'article 122-8 du Code pénal. Il s'agit de la faculté de comprendre la portée de ses actes, qui conditionne la responsabilité pénale au titre de l'imputabilité. Ce principe suppose que le mineur incapable de discernement ne pourra voir sa responsabilité engagée. Ce principe était aussi appliqué aux déments jusqu'au changement jurisprudentiel de la loi du 3 janvier 1968. [...]
[...] Sans oublier notamment que dans cet arrêt la personne qui se voit engager sa responsabilité est décédée. Ainsi se serait montrée la difficulté d'entreprendre un examen tentant de savoir si l'enfant était apte ou non au discernement des conséquences de ses actes. Dans cet arrêt LEMAIRE, la Cour de cassation sera en accord avec ce choix puisqu'elle considèrera elle aussi que l'enfant aurait dû couper le courant avant d'entreprendre son action. Autrement dit, elle aussi opte pour le choix d'un discernement in abstracto. [...]
[...] Elle conduira aussi à l'élargissement du principe de responsabilité en élargissant celle des démens au cas des mineurs : en effet par la loi du 3 janvier 1968 le législateur a imposé la réparation du dommage causé par le comportement fautif du démens malgré son absence de discernement. La Cour de cassation a étendu ce principe à l'infans après de nombreuses hésitations. Les juges ont, dans un premier temps, été amenés à se prononcer dans l'hypothèse de l'infans victime ayant commis une faute suite à cet arrêt Lemaire de 1984. En regard des dispositions de l'article 489-2, les juges en ont conclu que l'absence de discernement de l'infans n'était pas un obstacle à ce que celui-ci commette une faute, faute conduisant à un partage de responsabilité. [...]
[...] On est ici en présence d'une responsabilité du fait personnel prévu par l'article 1382 du Code civil " Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."Il y a en fait trois conditions pour engager la responsabilité civile délictuelle du fait personnel de quelqu'un : une faute ; un dommage ; un lien de causalité. Ainsi, cet arrêt met en avant l'idée d'une éventuelle responsabilité du mineur. La cour d'appel a jugé dans cet arrêt du 9 mai 1984 qu'il y avait une faute de la part de l'ouvrier en responsabilité involontaire au motif qu'il n'avait pas répondu à son obligation de vérification de la sécurité de l'installation entreprise. La cour d'appel ne s'en arrête pas là. [...]
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