« Le créancier qui use de ses prérogatives peut bien encourir une responsabilité à cette occasion, mais il ne peut être question de lui ôter son droit pour autant ». Cet extrait de la thèse de Philippe Stoffel-Munck intitulée L'abus dans le contrat, Essai d'une théorie, se rapproche de l'arrêt étudié car elle illustre l'idée selon laquelle un droit acquis, notamment par un contrat, ne peut être retiré au créancier, même en cas de déloyauté.
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a rendu un arrêt de cassation le 10 juillet 2007 dans une affaire concernant l'exécution de bonne foi d'un contrat.
Par acte du 18 décembre 2000, MM. X, Y et Z, actionnaires d'une société, exploitant une discothèque, ont cédé leur participation à M. A, qui avait déjà des titres et était président du conseil d'administration de cette société. Il était stipulé dans le contrat qu'un complément de prix serait dû sous certaines conditions qui se sont réalisées, et aussi que chacun des cédants garantissait le cessionnaire, au prorata de la participation cédée, notamment contre toute augmentation du passif résultant d'événements à caractère fiscal dont le fait générateur serait antérieur à la cession. Mais la société a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre de l'exercice 2000 et MM. X, Y et Z ont demandé que M.A soit condamné à leur payer le complément de prix. M.A a reconventionnellement demandé que les cédants soient condamnés à lui payer une certaine somme au titre de la garantie de passif.
L'arrêt de la Cour d'Appel rejette la demande de M.A.
Pour ce faire, l'arrêt avance que M.A a manqué à la bonne foi car en sa qualité d'actionnaire principal et de dirigeant de la société il aurait dû se montrer attentif au contrôle des comptes de sa société, il l'a donc délibérément exposé à des risques et ne peut se prévaloir de la clause du contrat de garantie de passif.
Un manquement au devoir de bonne foi contractuelle peut-il entrainer la perte d'un droit issu d'une clause du contrat pour un créancier ?
La Cour de Cassation répond que ce n'est pas possible en se basant sur les alinéas 1 et 3 de l'article 1134 du Code Civil, elle énonce que « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ». Ainsi elle casse et annule l'arrêt rendu en appel.
Cette décision présente un grand intérêt, en effet elle fait une interprétation de l'article 1134 qui était sujet à plusieurs visions, cependant cette interprétation est très critiquable sur la place de la bonne foi dans le contrat. De plus cette décision semble apporter une nouvelle appréhension des notions de garantie de passif et de bonne foi contractuelle, ce qui aboutit sur un recul de la bonne foi dans le contrat ainsi que de l'intervention du juge en ce domaine.
Nous verrons donc dans une première partie qu'il s'agit d'une interprétation critiquable (I) puis dans une seconde partie que c'est un arrêt s'écartant des conceptions acquises (II) (...)
[...] Le créancier qui use de ses prérogatives peut bien encourir une responsabilité à cette occasion, mais il ne peut être question de lui ôter son droit pour autant Cet extrait de la thèse de Philippe Stoffel-Munck intitulée L'abus dans le contrat, Essai d'une théorie, se rapproche de l'arrêt étudié car elle illustre l'idée selon laquelle un droit acquis, notamment par un contrat, ne peut être retiré au créancier, même en cas de déloyauté. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation le 10 Juillet 2007 dans une affaire concernant l'exécution de bonne foi d'un contrat. Par acte du 18 décembre 2000, MM. Y et actionnaires d'une société, exploitant une discothèque, ont cédé leur participation à M. qui avait déjà des titres et était président du conseil d'administration de cette société. [...]
[...] L'arrêt de la Cour d'Appel rejette la demande de M.A. Pour ce faire, l'arrêt avance que M.A a manqué à la bonne foi car en sa qualité d'actionnaire principal et de dirigeant de la société il aurait dû se montrer attentif au contrôle des comptes de sa société, il l'a donc délibérément exposé à des risques et ne peut se prévaloir de la clause du contrat de garantie de passif. Un manquement au devoir de bonne foi contractuelle peut-il entrainer la perte d'un droit issu d'une clause du contrat pour un créancier ? [...]
[...] Il faut donc comprendre que la Cour estime que le juge du fond ne peut modifier le contrat même, le contrat a créé le droit dont se prévaut M.A, l'absence de bonne foi ne peut pas faire disparaitre ou priver ce droit d'effet. Les obligations contractuelles doivent être respectées à la lettre, c'est là la force obligatoire du contrat qui est illustrée. Cette interprétation conduisant M.A à se prévaloir légalement de son droit envers ses créanciers pour l'augmentation du passif dont il est responsable est critiquable. B. Une solution critiquable Cette solution semble moralement très discutable. En effet, la mauvaise foi du demandeur est flagrante. [...]
[...] A déjà titulaire d'un certain nombre de titres et qui exerçait les fonctions de président du conseil d'administration de cette société ; qu'il était stipulé qu'un complément de prix serait dû sous certaines conditions qui se sont réalisées ; qu'il était encore stipulé que chacun des cédants garantissait le cessionnaire, au prorata de la participation cédée, notamment contre toute augmentation du passif résultant d'événements à caractère fiscal dont le fait générateur serait antérieur à la cession ; que la société ayant fait l'objet d'un redressement fiscal au titre de l'exercice 2000 et MM. X Y . et Z . ayant demandé que M. A . soit condamné à leur payer le complément de prix, ce dernier a reconventionnellement demandé que les cédants soient condamnés à lui payer une certaine somme au titre de la garantie de passif ; Attendu que pour rejeter la demande de M. [...]
[...] Il faut rappeler la jurisprudence Vilgrain de 1996 qui pose une obligation de loyauté du dirigeant vis-à-vis des associés, à propos de la cession de titres de la société. La Cour de cassation a jugé le 6 mai 2008 que le dirigeant a une obligation d'information même lorsque le demandeur peut disposer de l'information qu'il allègue avoir été dissimulée. La Cour de cassation en cassant l'arrêt d'appel, semble reconnaître la garantie de passif d'une façon abstraite : une simple garantie du cessionnaire. Il n'y a pas ici d'appréciation in concreto qui prendrait en compte la qualité du cessionnaire. [...]
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