commentaire d'article, théorie de l'imprévision, déséquilibre contractuel, forme contractuelle, révision d'un contrat, négociations précontractuelles, arrêt Soffimat, délivrance de la chose, contrat amiable, pacta sunt servanda, cour de cassation, Code de Procédure Civile, Arrêt Canal de Craponne
Si on se situe dans le temps, il est possible de mentionner le fait que le monde juridique était, au début, réticent s'agissant de la révision d'un contrat valablement formé. Cela s'explique par la volonté de sécuriser les transactions juridiques et d'imposer aux parties l'obligation de suivre la lettre du contrat. Le formalisme romain s'intéressait plutôt à la formation du contrat sous des strictes conditions qu'au contenu même du contrat et à la volonté des parties. Dès l'époque romaine, il n'était pas possible de revenir sur le contenu du contrat et le juge ne pouvait pas s'immiscer dans l'accomplissement des obligations des cocontractants, car il ne disposait pas du pouvoir d'interprétation et, par conséquent, ne pouvait pas veiller à la conformité des dispositions contractuelles aux bonnes moeurs, équité, bonne foi dès que le contrat était considéré valablement conclu sous l'angle du formalisme. Cette position perdurait longtemps dans le monde juridique français et un arrêt historique dit « Canal de Crapone » du 6 mars 1876 pose le principe de l'interdiction de toute révision contractuelle. La jurisprudence d'avant estimait qu'aucune prise en compte du temps ou d'équité ne pouvait pas suffire afin de permettre au juge de modifier un acte puisque la force obligatoire des conventions s'impose tant aux parties qu'au juge.
[...] Cette définition se rapproche de celle de la théorie de la force majeure pour laquelle la persistance d'imprévision est une condition centrale. L'article en cause rappelle le même principe en précisant la nécessité « de circonstances imprévisibles » au moment de la formation du contrat. En l'occurrence, même si l'article 1195 n'apporte pas des précisions quant aux circonstances imprévisibles, il est possible d'en déduire de la pratique juridique qu'il s'agisse des circonstances « normalement » ou « raisonnablement » imprévisibles lors de la formation du contrat. [...]
[...] Un autre arrêt « Soffirmat » de 2010 invoque le même principe et précise qu'il faut prendre en compte l'évolution des circonstances économiques prévues par le contrat. De ce point de vue, l'article en cause vient de pallier les divergences quant à la renégociation d'un contrat par la persistance d'un « changement de circonstances imprévisible ». Dans ces circonstances, s'il est démontré le caractère excessivement onéreux de la prestation d'une partie par rapport à l'exécution des droits et des obligations de l'autre, la partie considérée comme étant lésée se voit offrir, par les dispositions de l'article 1195, la possibilité de demander de renégocier le contrat. [...]
[...] Par ailleurs, s'agissant de « l'exécution excessivement onéreuse » pour un contractant, cette appréciation relève d'une forte subjectivité, car, par principe, l'onérosité est une notion subjective dont le juge va apprécier cas par cas. À cet égard, l'article 1195 n'apporte pas des précisions quant à l'appréciation du caractère excessivement onéreux de la prestation. En effet, dans le but d'éviter tout conflit d'intérêts, les parties devront prévoir dans le contrat leurs obligations et les possibles aléas qu'ils soient prêts ou non à s'assumer. [...]
[...] S'agissant du cocontractant, l'article 1195 reste silencieux et ne précise pas ses moyens d'agir. Néanmoins, l'alinéa 2 de l'article mentionne un possible « refus » ou « échec de la renégociation », c'est-à-dire que l'autre cocontractant est libre de refuser ou d'accepter la révision. Alors, l'importance de l'article 1195 du Code Civil est fondée sur la mise en place de plusieurs mécanismes rendant possible une future renégociation contractuelle. Le mécanisme classique consiste, pour la partie considérant que son exécution est devenue excessivement onéreuse, dans la possibilité de demander son cocontractant de revoir le contenu du contrat. [...]
[...] De plus, c'est l'actuel article 1103 du Code Civil qui précise que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », idée issue d'un ancien adage romain « pacta sunt servanda ». En effet, l'article 1195 en admettant que la théorie d'imprévision ne remet pas en cause le contrat comme étant la « loi des parties », il lui confère encore une plus forte importance de fait que les parties contractantes peuvent décider « En cas de refus ou d'échec de la renégociation » d'une résolution contractuelle. [...]
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