« Le principe de neutralité fiscale ne s'oppose pas à toute politique fiscale, mais elle entraîne la recherche de la suppression des distorsions qui enlèvent à la fiscalité sa cohérence » . C'est notamment au nom de ce principe traditionnel de neutralité de la loi fiscale que fut rendu cet arrêt du Conseil d'Etat SA Etablissements Quémener, concernant le mode d'imposition du résultat fiscal de la cession de parts d'une société de personne, en date du 16 février 2000.
En l'espèce, la SA Ets Quémener avait acquis en 1978 une participation de 50.000 F dans la capital de la SNC Quémener Locavoile. Il s'avère alors qu'au cours des années 1978 et 1979, la SNC ait subi des pertes qui furent reportées à nouveau, et dont les Ets Quémener ont imputé la quote-part correspondant à leurs droits dans cette société sur leurs résultats imposables, ce à hauteur totale de 663.248 F. La SA Ets Quémener a ensuite souscrit, au cours de son exercice allant du 1er juillet 1979 au 30 juin 1980, à une augmentation du capital de la SNC pour une somme de 1.000.000 F, avant de procéder à la cession de la totalité de sa participation au nominal de 1.050.000 F pour 1 F symbolique.
Lors d'un contrôle, le vérificateur fiscal, invoquant l'imputation préalablement opérée, a remis en cause la détermination par la société du résultat fiscal de cette cession qui aboutissait alors à une double-déduction. Elle a alors estimé que ce résultat se décomposait en une moins-value à long terme de 50.000 F, une moins values à court terme de 1.000.000 F ainsi qu'en un profit exceptionnel de 663.248 F à ajouter au résultat de l'exercice clos en 1980. Il en est alors résulté, vue la situation déficitaire constatée à la clôture de l'année 1980, un supplément d'impôt sur les sociétés au titre des années 1981 et 1982.
S'estimant lésée, la SA Ets Quémener a demandé la décharge du supplément d'impôt correspondant à l'imposition de ce profit exceptionnel. La Cour Administrative d'Appel de Nantes ayant rejeté sa requête au motif que le prix de cession par la SA des parts qu'elle détenait dans la SNC comportait, « outre le franc symbolique, la disparition du passif de son bilan des dettes auxquelles elle était tenue » en raison de ladite participation, la SA se pourvoit alors en cassation.
Le Conseil d'Etat, concluant quant à lui à une dénaturation des écritures d'appel par les juges nantais, est alors amené à statuer, conformément à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, sur l'appel de la société formé contre le jugement du Tribunal Administratif de Rennes, qui avait lui aussi débouté la société de sa demande.
La question qui s'est alors posée à la Haute Juridiction concernait la façon de procéder à la détermination d'un résultat fiscal de ladite cession qui soit conforme au principe de neutralité de la loi fiscale. S'agissait-il d'ajouter un profit exceptionnel au résultat de l'exercice en cours, de retraiter le prix de cession des parts ou de s'appliquer à la mise en œuvre d'une nouvelle solution ?
En l'espèce, il s'avère que le Conseil d'Etat ait choisi cette dernière possibilité. On remarque alors que, s'il procède, en optant pour un dispositif d'ajustement du prix de revient fiscal des parts sociales, au dépassement fort attendu d'une jurisprudence à de nombreux égards critiquée car lacunaire (I), il convient également de noter que ce principe, s'il a pu constituer la pierre angulaire d'un entier dispositif relatif à détermination du résultat fiscal d'une cession de parts de société de personnes, ne reste cependant qu'un artifice juridique de surcroît imparfait (II).
[...] L'arrêt rendu le 17 avril 1970 abandonna quant à lui cette solution exclusivement fiscale pour revenir à un raisonnement juridique. Le Conseil d'Etat dans cette espèce ne s'était en effet fondé que sur les termes de la convention de cession qui prévoyait que la société cédante cesserait d'être débitrice des autres associés de la société La cassation desdits raisonnements proposés, que la Cour de Nantes semblait avoir ici tenté de combiner, était encourue, voire attendue, et ce pour plusieurs raisons. [...]
[...] La problématique des sociétés de personnes : Commentaire : CE 16 février 2000 SA Etablissements Quémener Le principe de neutralité fiscale ne s'oppose pas à toute politique fiscale, mais elle entraîne la recherche de la suppression des distorsions qui enlèvent à la fiscalité sa cohérence C'est notamment au nom de ce principe traditionnel de neutralité de la loi fiscale que fut rendu cet arrêt du Conseil d'Etat SA Etablissements Quémener, concernant le mode d'imposition du résultat fiscal de la cession de parts d'une société de personne, en date du 16 février 2000. [...]
[...] En premier lieu, il convient de noter que le fait d'ajuster le prix de revient fiscal des parts sociales en opérant un retraitement de leur prix d'acquisition nécessitait une obligation pour l'associé de reconstituer l'historique des résultats de la société. A deux égards, cette affirmation appelle à interrogation. Il s'agit en effet d'une part de savoir si l'associé est tenu d'une obligation de déclaration, et, le cas échéant, de la teneur qui doit être la sienne. D'autre part, il est indéniable que reconstituer un historique un tant soit peu exhaustif puisse s'avérer difficile, pour ne pas dire impossible dans les cas où les parts font l'objet d'une détention de longue date. [...]
[...] C'est d'ailleurs ce que la SA Ets Quémener avait effectué d'elle-même en procédant à la majoration du prix de vente des parts du montant des déficits qu'elle avait déduits en 1978 et 1979. En se prononçant alors pour la troisième fois sur les modalités de l'ajustement du résultat fiscal, le Conseil d'Etat nous confirme alors la nécessité d'un tel retraitement. Ceci étant, l'intention première du juge fiscal en l'espèce semble avoir été celle de mettre derrière lui une jurisprudence faible de cohérence. [...]
[...] S'est alors également posée la question du régime applicable à une cession opérée par un particulier, question à laquelle le Conseil d'Etat a tout simplement transposé le raisonnement de l'arrêt Quémener par une décision du 9 mars 2005 Baradé. Cette application a par ailleurs été confirmée par une réponse ministérielle Biancheri du 31 janvier 2006. Si l'arrêt du 16 février 2000 apparaît alors comme étant la pierre angulaire du nouveau mécanisme de détermination du résultat fiscal de la cession de parts d'une société de personnes, il n'en est pas moins qu'au regard de l'objectif de neutralité fiscale vanté être poursuivi par le Conseil d'Etat, la solution est encore loin de pouvoir être qualifiée de parfaite. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture