la France plaide avec force en faveur d'une extension de la responsabilité des maisons-mères dont les filiales ont par leurs actions ou interventions (pollution, écologique, sanitaire) causé un préjudice à un tiers. La clé des débats est juridique : remettre en cause la logique d'impunité dont profitent les sociétés mères compte tenu de l'autonomie, formelle et juridique, de leurs filiales. Ce afin de permettre au tiers, victime d'un préjudice trouvant sa cause dans l'action d'une entreprise contrôlée, insérée dans une logique de "groupe", de réclamer à la société contrôlante, chapeautant ledit groupe, la juste réparation à laquelle il a droit.
Cette réflexion portée par le président de la République dans les sphères politiques, qui a été à l'origine d'une réglementation innovante en droit de l'environnement - grandement nourrie par le droit de l'Union européenne - trouve un écho dans l'activité juridictionnelle, lorsque les juges se trouvent saisis de la demande d'une victime tendant à l'indemnisation de son préjudice en lien direct avec le fait fautif d'une entreprise appartenant à un groupe de sociétés dirigées contre la filiale, mais aussi sa société mère.
Dans quelle mesure le droit de la responsabilité civile délictuelle, par le régime de droit commun consacré à l'article 1240 du Code civil, peut-il pallier la carence du législateur et permettre à la victime de franchir la "barrière juridique" que représente l'autonomie dont profitent les filiales pour atteindre la responsabilité de la société mère, et ainsi obliger cette dernière à réparer le préjudice subi par le fait de sa fille ? Le régime de la responsabilité pour faute permet-il de parvenir à cet objectif d'une réparation intégrale du préjudice par la société mère et sa filiale ?
[...] L'on peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence la solution fondée sur l'article 1382 (ancien) : en validant l'apparence et en englobant la société mère dans la sphère contractuelle, la Cour assoit l'existence du lien contractuel. Au fondement de la faute, qui suppose l'absence de contrat, aurait pu être préféré le régime prétorien de l'apparence. Une partie de la doctrine conclut en ce sens : « à aucun moment, les juges ne relèvent une quelconque volonté de nuire de la société mère, alors qu'on ne saurait “voir une faute dans toute création d'apparence trompeuse” »[10]. [...]
[...] La caractérisation d'une faute à l'origine du préjudice et le souci d'une réparation efficace au profit de la victime Les juges du fond à l'occasion de leur pouvoir souverain d'appréciation des faits sont naturellement compétents pour caractériser les faits constitutifs d'une faute au sens de l'article 1240 du Code civil. Cette solution vaut pour les groupes de sociétés, dont le comportement fautif a été caractérisé par la jurisprudence à de multiples reprises. Basé sur la méthode du faisceau d'indices, le contrôle de la faute par le juge est in concreto et donc casuistique : tout est affaire de circonstances. [...]
[...] La Cour déduit de ces éléments, comme l'avaient retenu les juges d'appel, une faute à l'origine de la rupture des emplois contractés entre la filiale et les salariés. Dans cet exemple à nouveau la Cour procède par mélange des régimes : elle déduit la faute à partir de l'immixtion de la mère dans les affaires de la filiale. En outre, elle tire de la responsabilité délictuelle des conséquences sur le droit à réparation des indemnités attachées au contrat La doctrine a également souligné que le lien de causalité directe entre la faute et le préjudice (le licenciement des salariés) était loin d'être évident : « non seulement du fait du principe d'indépendance des membres du groupe de sociétés ( mais également du fait du caractère indirect de la causalité en l'espèce. [...]
[...] Dans une décision rendue le 5/021991[9], publiée au Bulletin sur ce point, la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé le « comportement fautif » d'une entreprise mère qui avait donné l'apparence à un tiers d'intervenir en qualité de partie aux côtés de la filiale (siège social identique, lieu d'exploitation inchangé, coordonnées identiques, logo, papier en tête Elle donne raison aux juges d'appel qui sur la base de ces éléments ont conclu à une entité unique – fondée sur une communauté d'intérêts – constitutive d'une faute délictuelle, du fait de l'apparence trompeuse créée au préjudice du tiers, engageant la responsabilité de la société mère vis-à-vis du cocontractant lésé. Cette décision a par ailleurs été vivement commentée par la doctrine en ce qu'elle procède à un mélange de deux fondements de responsabilités ; mettant en évidence les limites du système actuel. II. Un régime de responsabilité pour faute en quête de cohérence : vers une réglementation spécifique écrite ? [...]
[...] À l'occasion de l'avant-projet Catala en 2005, il avait été évoqué de retenir le principe d'une responsabilité objective, donc sans faute, de la société mère fondée sur l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la filiale par rapport à cette dernière. L'on peut s'interroger sur le point de savoir, entre la responsabilité pour faute et la responsabilité objective, quel régime (s'il fallait en choisir un) serait le plus protecteur des intérêts de la victime, tout en permettant aux groupes de sociétés de continuer à progresser dans la vie économique. [...]
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