Longtemps, le marché des fusions et acquisitions en Europe continentale a été différent de celui du monde anglo-saxon ; pourtant, cette dernière décennie nous a montré que l'Union européenne n'avait pas attendu la mise en place définitive de l'euro pour prendre des mesures afin d'intégrer les marchés financiers dans lesquels les OPA prennent toute leur place.
Depuis le succès de la transition des marchés financiers vers l'euro, les institutions européennes et plus particulièrement la Commission européenne, ont redoublé d'efforts pour surmonter les obstacles liés à la multiplicité des règles nationales et des juridictions. Dans les années à venir, les OPA vont se développer sur les marchés financiers d'Europe et c'est pourquoi la directive européenne du 21 avril 2004 a été adoptée. Cette dernière s'inscrivait parfaitement dans la lignée du « gouvernement d'entreprise » et comportait trois dispositions essentielles :
• La première résultait de son article 9 qui impose aux dirigeants un devoir général de neutralité et leur interdisait de mettre en œuvre, de leur propre initiative, quelque mesure de défense que ce soit sans avoir obtenu, au préalable, pendant la période d'offre, une autorisation de l'assemblée générale des actionnaires.
• La seconde résultait de son article 11 qui vise à priver d'effet et/ou à rendre inopposables à l'offrant toutes les restrictions statutaires ou extrastatutaires apportées aux transferts de titres ou à l'exercice des droits de vote.
• La troisième ressortait de son article 12 qui ouvre aux Etats membre un « droit d'option », qui évitait à Bruxelles d'avoir à trancher entre un modèle résolument libéral et un modèle qui l'était moins : soit les Etats membres transposaient l'article 9 et/ou l'article 11, en rendant leur application obligatoire à toutes les sociétés ayant leur siège social sur leur territoire ; soit ils se réservaient la possibilité de ne pas imposer aux sociétés d'appliquer l'article 9 et/ou 11, mais ils devaient alors donner aux sociétés le « choix réversible » d'appliquer l'article 9 et/ou 11. La directive précisait que les Etats membres pouvaient alors autoriser les sociétés qui appliquaient l'article 9 et/ou l'article 11 à ne plus le faire lorsqu'elles devenaient la cible d'une offre lancée par une entité qui ne les appliquait pas elle-même c'est-à-dire un « offrant non vertueux » (pour reprendre les termes utilisés devant l'Assemblée et le Sénat). C'est l'exception de réciprocité.
[...] A la lecture de la directive et de sa loi de transposition, on peut se demander : quels sont les pouvoirs des dirigeants sociaux lors d'une OPA par une société vertueuse ? Quels sont les pouvoirs des dirigeants sociaux lors d'une OPA par une société non vertueuse ? Selon Hervé Le Nabasque[2], le dirigeant social semble désarmé face à un offrant vertueux même si l'offre est hostile alors qu'il retrouve ses moyens de défense face à un offrant non vertueux (II). [...]
[...] Donc, on peut en conclure que si l'usage de la délégation pendant la période d'offre n'est pas de nature à faire échouer l'offre, il y a de fortes chances pour qu'il s'inscrive dans le cours normal de l'activité de ladite société. La difficulté sera de vérifier à priori que telle ou telle mesure est susceptible de faire échouer l'offre. Cependant, selon Hervé Le Nabasque[4], on peut hésiter concernant les délibérations antérieures qui se seraient contentées d'autoriser le dirigeant à prendre telle ou telle mesure. En résumé, on a pu constater que le dirigeant n'a pendant la période d'offre que des pouvoirs résiduels et c'est l'assemblée générale qui dispose d'importants pouvoirs susceptible de faire échouer l'offre B. [...]
[...] Il faut distinguer deux cas, celui où la cible fait l'objet d'une seule offre publique et celui où la cible fait l'objet de plusieurs offres publiques A. La cible fait l'objet d'une seule offre publique Pour que l'exception puisse jouer, il faut que l'offrant n'applique pas les dispositions de l'article L 233-32 ou des mesures équivalentes ou bien qu'il soit contrôlé, directement ou indirectement, au sens de l'article L 233-16, par une société qui ne les applique pas elle-même. Il convient donc de distinguer deux hypothèses, celle où l'offrant n'est pas vertueux lui-même et celle où l'offrant n'est pas vertueuse par l'entité qui le contrôle. [...]
[...] Dans ce cas, l'exception de réciprocité ne pourrait pas être invoquée par la société cible. La difficulté consiste à déterminer si l'accord était ou non de nature à faire échouer l'offre et si c'est le cas, quelles conséquences en tirer, le texte ne le dit pas et je ne saurais qu'être d'accord avec Hervé Le Nabasque quand il dit que ce serait surprenant qu'il n'y en ait pas et que l'on se contentera sûrement dans le doute lire linéairement les textes. [...]
[...] Le problème concerne surtout les sociétés étrangères à la communauté européenne (Etats-Unis, pays émergents notamment) car il est peu probable qu'elles appliqueront spontanément l'article 9. La majorité de la doctrine estimait que l'AMF devrait s'occuper de ce problème et c'est ce qu'elle a fait avec son nouveau règlement qui est entré en vigueur le 1er novembre 2007 et notamment son article 231-1 disposant que toutes les personnes concernées par une offre doivent respecter le jeu des offres et de la surenchère, d'égalité de traitement et d'information des détenteurs des titres des personnes concernées, de transparence et d'intégrité du marché et de loyauté dans les transactions de la compétition On ne peut que se réjouir de voir que l'AMF a édicté des règles permettant de clarifier la situation pour les entités internationales même si on peut regretter une définition peut-être un peu trop vague. [...]
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