« Rien n'égale la timidité de l'ignorance, si ce n'est sa témérité. Quand l'ignorance se met à oser, c'est qu'elle a en elle une boussole. Cette boussole, c'est l'intuition du vrai, plus claire parfois dans un esprit simple que dans un esprit compliqué ». Reprise par de nombreux auteurs, l'expression n'est pas neutre : les dirigeants sociaux, comme les associés, ont besoin d'une « boussole » les guidant dans leurs choix concernant la politique sociale de leur société. Cet outil permettra en outre aux associés de se voir assurés contre les risques éventuels inhérents à la remise du pouvoir de direction entre des mains extérieures à ces derniers, celles du dirigeant. Le législateur a décidé de faire de l' « intérêt social » cet outil. Loin d'être clair, toutefois, il reste marqué par un caractère extrêmement protéiforme, et particulièrement tributaire des courants doctrinaux et jurisprudentiels. Ainsi, s'il revêt une importance retrouvée depuis la dernière décennie, l'intérêt social ne semble pas s'en être trouvé profondément éclairci, dans sa notion comme dans son régime.
[...] Par conséquent, une décision défavorable à l'intérêt social ne peut être annulée du fait de ce simple constat. Au contraire, c'est à l'attitude de l'organe décisionnel que s'intéresse le juge, donc à son comportement par rapport à un modèle objectif, celui de l'administrateur diligent ou du bon père de famille. Or, dès lors que l'appréciation de intérêt social est soumis à la subjectivité des juges du fond, il est normal que sa définition ne puisse être certaine et indépendante des circonstances d'espèce. [...]
[...] D'abord, l'hypothèse de l'abus de minorité rend compte de l'intérêt de la notion d'intérêt social dans le cadre de la préservation de la pérennité de la société. L'abus de minorité voit ses conditions définies dans l'arrêt de principe Six, du 15 juillet 199217, au titre desquelles figure la nécessité d'un vote en contradiction avec l'intérêt social. L'appréciation de cette condition est laissée aux juges du fond : elle laisse cependant peu de place au doute dans ce cas, puisque toute décision que 10 la minorité des associés refuse de voter et qui, seule, pourrait garantir la survie de la société, sera constitutive par nature d'un abus de minorité. [...]
[...] Viandier et F. Deboissy, Dt Sociétés ; J.-P. Bertrel, Liberté contractuelle et sociétés, RTD Com (p. 595) ; etc G. Goffaut-Callebaux, La définition de l'intérêt social, RTD Com (p. 35) M. Cozian et A. [...]
[...] Cette imprécision n'a pas été réellement critiquée, certains voyant là une conséquence découlant de la qualité de standard juridique de la notion d'intérêt social3, laissant une certaine latitude au juge afin de juger de la réalité et la diversité des situations Concrètement, le juge s'est servi de cette latitude pour bâtir une théorie historiquement très changeante. Si le contexte récent suscite un intérêt réitéré pour la question de la nature de l'intérêt social, la réflexion en elle-même sur une telle notion-cadre, elle, est ancienne. En effet, la définition de l'intérêt social a été fonction de la définition, plus large, de la société elle-même. Aussi, schématiquement, elle 1 a dévié en fonction des thèses contractuelle puis institutionnelle de la société. [...]
[...] De l'autre, les intérêts extérieurs sont censés favoriser la subsistance de la société en tant qu'institution, sur le long terme. Ils sont des intérêts divers et catégoriels, et non propres à une catégorie d'individus. La formule du professeur Chaput est révélatrice : il faut assurer un compromis efficace entre les véritables intérêts égoïstes ou altruistes en cause ; ceux des associés individuellement considérés, des cocontractants, des concurrents, comme des pouvoirs publics qui poursuivent cet impalpable intérêt général fondement de bien des interventions législatives »12. [...]
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