La maxime de Loysel « On n'a pas plus tôt vendu la chose qu'on n'y a plus rien » est représentative de l'état actuel du droit positif en matière de transfert de propriété. Effectivement le contrat de vente opère à lui seul le déplacement de la propriété du vendeur à l'acheteur, sans nécessité de recourir à une formalité quelconque de transfert. Le code civil, dans son article 1134 dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Il en résulte que les particuliers sont libres de conclure entre eux tous les accords qu'ils peuvent imaginer et que ces accords sont valables et obligatoires en eux-mêmes et par eux-mêmes. Ce principe du consensualisme est le fruit d'une longue évolution.
Le transport de la propriété par l'effet de la seule volonté apparaît à la fin de l'ancien droit. Le droit romain exigeait le recours à une formalité de transmission : mancipation ou tradition consécutive à la vente qui n'était pas créatrice d'obligations et non translative de propriété. A Rome, la simple convention, que l'on désignait du mot pacte, était impuissante à faire naître une obligation ; il lui fallait un élément supplémentaire, extérieur, pour qu'elle puisse devenir un contrat générateur d'engagement. Cet élément était une forme requise, qui pouvait être orale (contrats verbis), écrite (contrats litteris), réelle (contrats re). Il fut exceptionnellement reconnu que dans quatre opérations : vente, louage, société, mandat, l'accord dénué de toute forme, consensus nudus, suffirait à lier les parties (contrats consensuels). Le principe demeurait l'inefficacité du pacte qui n'empruntait pas une forme contractuelle et Justinien conserva la règle au digeste.
L'ancien droit maintenait théoriquement le principe de la nécessité de la tradition mais s'en écarta en pratique. Elle n'avait plus lieu effectivement, remplacée par une clause au contrat, clause de dessaisine-saisine par exemple. Lors de cette période le formalisme devenait moins rigoureux. Le contrat se concluait « Re » c'est à dire par la réception de l'objet, par lettre, ou par le geste. Au XIIIième siècle, tout allait progressivement changer. Les formes se simplifiaient et il ne demeurait principalement que l'écrit et le serment. L'action conjointe des romanistes et des canonistes allait permettre de forger les bases du consensualisme. Les canonistes donnaient l'impulsion décisive contre le formalisme, en mettant la parole donnée sur le même plan que la foi jurée c'est à dire sur le fondement de la parole du Christ. Ce changement avait d'abord eu une force morale, puis cette vision s'était transformée d'un devoir de conscience en une obligation juridique. Le consensualisme n'avait pas été accepté d'emblée. Les auteurs coutumiers restaient hésitants, sinon contradictoires. Au milieu du XVIième siècle, les juristes français se ralliaient à la doctrine canonique. A la suite de l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui avait retiré aux officialités la compétence sur le serment, les parlements admettaient les obligations passées solo consensu. Cette consécration av ait été le point de départ d'un épanouissement du transfert de propriété par l'échange des consentements. Grotius fait du « solus consensus obligat » une règle de droit naturel. Puis Domat écrit que « les conventions s'accomplissent par le consentement mutuel donné et arrêté réciproquement. »
Le consensualisme suite à cette longue évolution va prendre racine dans le droit positif : le code civil entérina le changement. Pour la vente, il consacra la règle nouvelle à l'article 1583 : « …La propriété est acquise de plein droit à l'acheteur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas été livrée ni le prix payé ». Portalis expliqua qu'il opérait par le contrat une sorte de « tradition civile qui consomme le transport des droits… ». Le principe du transfert solo consensu déborda, d'ailleurs, le cadre de la vente pour s'appliquer à toutes les hypothèses où il y a obligation de « dare », selon l'article 1138 du Code civil. Le consensualisme s'est inscrit de manière durable dans le droit positif suite à cette longue évolution. Cependant dans nos sociétés modernes, le droit doit s'adapter aux évolutions des mœurs, des attentes des hommes. Le droit est sans cesse remanié, adapté, ajusté aux nouveaux comportements et aujourd'hui une problématique se pose : peut-on encore considérer que le principe de l'effet immédiat du transfert de propriété est d'application générale ?
Ce principe du consensualisme a été élevé au rang « de principe universel qui doit dominer le droit des biens, comme il doit commander le droit des obligations » selon Henri Roland. Ce principe a eu une portée importante, mais n'a jamais eu une portée absolue car les parties ont toujours pu différer de manière contractuelle le moment du transfert de la propriété (I). Cependant ces dernières années, la multiplication des dérogations à l'effet immédiat du transfert de propriété nous amène à nous interroger sur sa portée réelle. (II)
[...] Les formes se simplifiaient et il ne demeurait principalement que l'écrit et le serment. L'action conjointe des romanistes et des canonistes allait permettre de forger les bases du consensualisme. Les canonistes donnaient l'impulsion décisive contre le formalisme, en mettant la parole donnée sur le même plan que la foi jurée c'est-à-dire sur le fondement de la parole du Christ. Ce changement avait d'abord eu une force morale, puis cette vision s'était transformée d'un devoir de conscience en une obligation juridique. Le consensualisme n'avait pas été accepté d'emblée. [...]
[...] Le transport de la propriété par l'effet de la seule volonté apparaît à la fin de l'ancien droit. Le droit romain exigeait le recours à une formalité de transmission : mancipation ou tradition consécutive à la vente qui n'était pas créatrice d'obligations et non translative de propriété. A Rome, la simple convention, que l'on désignait du mot pacte, était impuissante à faire naître une obligation ; il lui fallait un élément supplémentaire, extérieur, pour qu'elle puisse devenir un contrat générateur d'engagements. [...]
[...] Il y a des contrats où le législateur change le moment du transfert de propriété. Il s'agit des contrats réels exigeant pour leur formation la remise de la chose. Par conséquent ce n'est pas l'échange des consentements qui permet le transfert de la propriété mais la remise de la chose. En pratique, l'échange des consentements et la remise de la chose ont souvent lieu au même moment. Selon l'adage Debitor rei certae interitu rei liberatur le débiteur d'un corps certain est libéré par la perte de la chose. [...]
[...] Vers une remise en cause du principe de l'effet immédiat du transfert de propriété ? Tout d'abord le principe du consensualisme va être contesté par une partie de la doctrine. Du fait de l'imprécision des textes, certains auteurs vont se demander si la réelle volonté des rédacteurs du Code civil était de consacrer le consensualisme. Ainsi certains auteurs comme Chazal et Vicente en se fondant sur des considérations historiques et philosophiques vont contester l'effet immédiat du transfert de propriété. Pour ces deux auteurs, il n'est pas certain que les rédacteurs du Code civil aient voulu instituer le consensualisme. [...]
[...] Delebecque, précis Dalloz Contrats spéciaux, D. [...]
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