La libéralisation des économies à laquelle on assiste aujourd'hui affecte largement le droit économique. La dichotomie majeure qu'il recoupait classiquement, soit celle de la réglementation des activités des entreprises privées, d'une part, et des entreprises publiques, d'autre part, semble être bouleversée par cette évolution.
Plus précisément, c'est le droit public économique qui se trouve ainsi remis en cause par la conjonction de trois évolutions qui découlent de cette libéralisation. La première conteste la légitimité des modalités classiques de l'action de la puissance publique dans le domaine économique. La deuxième est relative à la nature du droit applicable aux actions économiques qui demeurent sous influence publique, que celle-ci se manifeste sous la forme traditionnelle des entreprises publiques ou par tout autre moyen de contrôle. La troisième évolution demeure encore trop imprécise pour que l'on puisse déjà en apprécier toutes les conséquences. Elle est liée à l'émergence de l'Etat actionnaire et concerne la détermination des règles qui devront lui être appliquées.
Face à cette libéralisation des économies, il convient de se demander si le droit économique rapproche la condition de l'entreprise publique et celle de l'entreprise privée.
Il convient en premier lieu de préciser ce que l'on entend par le « droit économique ». Celui-ci peut être considéré globalement, il s'efforce alors de rassembler et de synthétiser les règles applicables à une activité économique, issues de diverses branches du droit. Au droit civil il emprunte alors les principes applicables aux biens et aux contrats, par exemple. Le droit du travail applicable dans l'entreprise et le droit pénal seront aussi présents. Le droit administratif sera également concerné pour ce qui est des dispositions qui forment la réglementation des activités économiques. Mais si cette approche globale du droit économique est utile et nécessaire, elle régit principalement l'aspect microéconomique du droit économique. Or, c'est ici l'aspect macroéconomique qui est le plus pertinent à développer, et c'est la raison pour laquelle nous nous intéresserons dans une plus large mesure au droit public économique que constitue la science juridique relative à l'action de la puissance publique dans l'économie.
Si la notion d'entreprise publique est traditionnelle, force est de constater qu'elle n'est pas sans ambiguïté. Bernard Chenot relevait, à ce propos, que l'entreprise publique « n'est pas une institution, c'est un pavillon qui couvre les marchandises les plus variées ». Cette ambiguïté est renforcée par l'absence de définition législative. Mais la doctrine est intervenue et s'accorde pour dire que « trois éléments se retrouvent dans toutes les entreprises publiques et sont nécessaires pour qu'on puisse faire entrer un organisme dans cette catégorie : le caractère industriel et commercial ; la personnalité juridique ; l'appartenance au secteur public ». C'est ce dernier critère qui distingue l'entreprise publique de l'entreprise privée. Aussi, en droit interne, la catégorie des entreprises publiques est constituée par les sociétés nationales, les Etablissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et les Sociétés d'économie mixte (SEM).
Il résulte d'une telle définition que l'entreprise publique semble être clairement distincte de l'entreprise privée. Mais l'étude approfondie des règles de gestion et d'organisation laisse apparaître que la distinction de ces deux entités n'est qu'apparente (I). En outre, il convient de se demander si le droit économique ne consacre pas progressivement un gommage de la distinction entreprise publique-entreprise privée en ce qui concerne leurs activités (II).
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[...] Dans un premier temps, il convient d'examiner les règles relatives à l'organisation des entreprises publiques. La commune appartenance des entreprises publiques au secteur public explique que les conditions de leur création, transformation, et disparition soient traditionnellement marquées par la présence du droit public et se distinguent, dès lors, de celles qui gouvernent les entreprises privées. A l'origine de toute entreprise publique, il y a nécessairement une initiative de caractère public. Aussi, contrairement aux entreprises privées créées par des personnes physiques ou morales de droit privé, ce sont la loi ou le règlement qui sont à l'origine de la création des entreprises publiques. [...]
[...] Elle comporte un champ d'application qui inclut, sous certaines réserves, les personnes publiques. L'article 53 de l'ordonnance indiquait, dans sa rédaction initiale, que les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques La portée de cette soumission est précisée de jour en jour par la jurisprudence. Elle concerne évidemment les entreprises publiques, quelle que soit leur forme juridique. Ont donc été soumis au droit de la concurrence issu de l'ordonnance de 1986, aussi bien les sociétés publiques[17] que les EPIC[18]. [...]
[...] Le corollaire de cette soumission au droit commercial est la compétence judiciaire en cas de contentieux lié à l'activité industrielle et commerciale de l'entreprise publique. C'est ainsi que les relations de l'entreprise publique avec ses clients ou usagers relèvent du droit privé et des tribunaux judiciaires. Cela se vérifie pour les relations contractuelles, y compris lorsqu'elles comportent des stipulations exorbitantes du droit commun. La compétence ne redevient, le cas échéant, administrative que pour les relations nouées avec les tiers qui échappent à ce bloc de compétence judiciaire. [...]
[...] La réciprocité de ce phénomène de privatisation du régime des entreprises publiques se vérifie par l'immixtion du droit public dans les entreprises privées. Les entreprises privées voient leur condition se rapprocher de celle des entreprises publiques lorsqu'il y au sein de leur capital, une prise de participation de l'Etat. Celui-ci peut en effet participer au capital des sociétés, jusqu'au point, parfois, d'en devenir majoritaire ou du moins d'en détenir la participation effective. La société est alors dite d'économie mixte. Associant des capitaux publics et privés, celle-ci est un instrument de collaboration ente l'Etat et le capitalisme. [...]
[...] La critique de l'omnipotence monarchique des PDG ne s'arrête pas, bien au contraire, au seuil du secteur public. Il est certain également que la présence de l'actionnariat privé, même par définition minoritaire, n'est pas sans effet. Elle pourrait être une forte incitation à l'application de certaines des règles dont l'Etat, tant qu'il demeure unique actionnaire, ne voit pas la nécessité : information, respect des droits de l'actionnariat, sanctionnés par divers mécanismes juridiques tels que l'abus de majorité. Le rôle de l'Etat-actionnaire doit donc être mieux défini et faire clairement la part des règles du gouvernement d'entreprise compatibles avec la poursuite de l'intérêt général. [...]
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