Il faut remarquer que si la problématique du statut et de la nomination des dirigeants sociaux ne pose pas de difficultés particulières, celle de leur révocation paraît assez controversée et mérite de s'y attarder car elle constitue l'une des difficultés les plus sensibles du Droit des sociétés. On touche en effet ici essentiellement à la stabilité des dirigeants et aux garanties que le Droit est en mesure de leur offrir pour une activité aux risques multiples.
Les autres cas de cessation des fonctions de dirigeant de SA, tels que la démission, l'expiration du terme des fonctions, la dissolution ou encore la transformation de la société, ne posent pas véritablement de problème particulier.
Ce constat fait, il est tout à fait intéressant d'observer la place que peut occuper la notion de liberté dans l'acte de révocation des dirigeants sociaux.
La révocation constitue en effet pour les actionnaires le moyen le plus efficace de sanctionner l'action des dirigeants ; c'est la raison pour laquelle la règle prônée par le législateur reste la libre révocabilité (I).
Mais comme tout principe, la révocation « ad nutum » connait de nombreuses exceptions, touchant tant au fond qu'à la forme de ladite révocation, laissant ainsi aux dirigeants sociaux de multiples portes de secours pour ménager leur fin de mandat (II) (...)
[...] De plus, le Droit français admet que les statuts puissent déroger à l'exigence d'un motif légitime (Chambre commerciale janvier 1999), acceptant ainsi une certaine contractualisation des modalités de révocation. TRANSITION : Le principe prévalant dans la SA est donc une libre révocabilité totale ; et même la révocation pour juste motif tend à devenir assez discrétionnaire, ce qui réintroduit une certains liberté dans le droit de révocation des actionnaires. La liberté occupe donc à priori la place centrale dans la révocation des dirigeants sociaux. Cependant, ce principe de révocation ad nutum se trouve très largement atténuée dans la pratique. [...]
[...] La première espèce illustre le principe de la libre révocation des dirigeants sociaux ; quant à la deuxième, elle rappelle que l'exercice de cette faculté de révocation est enfermé dans les limites de l'abus de droit. Ainsi, si le départ du dirigeant peut s'opérer sans délai, sans motif, et sans indemnité, il ne doit pas être l'objet de mesures inutilement brutales et vexatoires (Chambre commerciale mai 1974) Si atteinte a été portée à son honneur ou sa dignité (Chambre commerciale octobre 1981), ou si la révocation intervient dans des conditions injurieuses, vexatoires ou décidée avec brusquerie (Chambre commerciale octobre 1978), le juge pourra décider que la SA payera des dommages et intérêts au dirigeant évincé, ce qui oblige les actionnaires à agir avec prudence dans l'exercice de leur droit de révocation ) L'avancée des droits de la défense au travers du principe du contradictoire La question du respect des droits de la défense du dirigeant menacé de révocation, ne cesse d'alimenter un contentieux récurrent. [...]
[...] A noter que pour ce dernier, il est possible de le révoquer indirectement de son mandat de président en le révoquant de son poste d'administrateur. Enfin, le Directeur général est révocable ad nutum, lorsqu'il exerce la fonction de Président du Conseil d'Administration (art L.225-55 al 1). Le principe de libre révocabilité est donc un principe fort au large champ d'application ) Les lourdes conséquences de ce principe pour le dirigeant Le régime de révocation des dirigeants sociaux, tel que voulu par les pères de la loi de 1966, est à l'opposé d'une conception réparatrice ou indemnitaire. [...]
[...] Cependant, il s'explique par l'objectif toujours plus présent de transparence et de loyauté au sein des sociétés ; le contradictoire se voit alors comme un moyen de favoriser le débat pour que la décision collective soit la meilleure possible. Au final, en Droit des sociétés, l'exigence de contradiction n'impose aucunement que le dirigeant se soit fait entendre avant la décision de révocation. Seul importe que la société l'ait mis en mesure de le faire (Chambre commerciale mai 2007, Société Vedreine et compagnie). [...]
[...] Les actionnaires détiennent un véritable droit discrétionnaire puisqu'ils n'ont pas à justifier leur décision de révoquer le mandataire. Les tribunaux refusent de contrôler les motifs de la révocation qui n'ont ni à être justes, ni à être communiqués. Ce principe, à priori injuste, est en réalité tout à fait logique puisque le mandat social repose sur la confiance des actionnaires ; ainsi, si ce lien de confiance est rompu, il est normal que les fonctions du dirigeant cessent immédiatement. Ensuite, la révocation ne nécessite aucun préavis. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture