Depuis les années 1980, les marchés financiers ont connu un développement sans précédent, encadré par des autorités de régulation spécialisées. Le champ d'action de ces régulateurs s'est si bien étendu, qu'on aurait pu croire le juge exclu de ce mouvement.
Alors que s'intensifiaient les batailles boursières, sur un marché financier globalisé, et que se développaient des instruments financiers toujours plus complexes, le juge tant national que communautaire s'est en réalité imposé comme régulateur économique, en coopération et parfois en concurrence avec les autorités sectorielles.
Comment le juge, dont l'office traditionnel est de dire le droit et trancher des litiges, s'est-il transformé en autorité de surveillance du marché financier, dont les décisions sont intériorisées par l'ensemble de la place ? Arbitre naturel entre les intérêts privés, le juge exerce à la fois un contrôle direct (I), et indirect sur le marché, au travers des recours exercés contre les décisions et règlements des régulateurs publics (II).
[...] Il veille par ailleurs à préserver la spécificité de la régulation sectorielle, en appliquant avec souplesse les exigences de l'article 6-1 de la Convention EDH, comme l'illustre la position du Conseil d'État, dans son arrêt Didier du 3 décembre 1999. Interprète du droit boursier, arbitre des conflits privés et gardien de l'ordre public économique, le juge est reconnu désormais comme un acteur de marché en tant que tel, dont les décisions sont respectées par l'ensemble des professionnels du marché. En contrôlant les décisions des autorités sectorielles, le juge réintègre le droit dans le raisonnement économique. [...]
[...] Les règles de franchissement de seuil ont ainsi été interprétées à la lumière des conditions de marché devenues très défavorables pour Sacyr. Si le juge de droit commun opère une réelle régulation du marché financier, celle-ci est incomplète, en raison notamment de sa temporalité. Outre le fait qu'il ne peut instaurer de dialogue avec les opérateurs d'un secteur économique, le juge ne peut s'autosaisir et ne statue qu'en droit sur un litige passé. Les autorités de régulation spécialisées, mieux adaptées à la technicité et la vitesse du marché financier, sont donc utiles pour pallier les failles du contrôle juridictionnel. [...]
[...] Soucieux d'assurer une certaine sécurité juridique, et de garantir la protection des droits fondamentaux des acteurs économiques, le juge démontre aussi qu'il sait s'adapter aux impératifs mêmes de la régulation, en préservant l'originalité de l'intervention du régulateur sectoriel et son autonomie. [...]
[...] Les recours contre les décisions de l'AMF dépendent de la qualité de la personne qui en est l'objet. Les sanctions disciplinaires ou pécuniaires prononcées contre les professionnels de marché font ainsi l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat, tandis que les autres acteurs doivent s'adresser à la Cour d'Appel de Paris. Le juge, tant administratif que judiciaire, est ainsi la pierre angulaire du système de contrôle du régulateur. Ce contrôle porte aussi bien sur la légalité de la réglementation et des mesures disciplinaires, que sur le fond et la forme des décisions de sanction. [...]
[...] Opérant à la fois ex post et ex ante, l'AMF dispose de deux grands pouvoirs : le pouvoir d'autorisation a priori des opérations financières et d'agrément des opérateurs et produits de gestion d'une part, et d'autre part le pouvoir de sanction des opérateurs sur le marché. Technique et rapide, réactive, mais aussi préventive, l'action de l'AMF intègre pleinement la représentation de son objet et tend à plier le droit aux contours de l'économie. Une telle autorité sectorielle porte plusieurs risques. Un risque de capture tout d'abord, en étant à la fois juge et partie, mais aussi un risque d'arbitraire et d'atteinte aux droits fondamentaux des opérateurs en faisant usage de pouvoirs quasi juridictionnels. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture