La démocratie politique repose sur l'égalité des citoyens. La démocratie économique appelle-t-elle un principe d'égalité en droit des affaires, et plus particulièrement en droit de la concurrence ?
La compétition commerciale ne peut s'installer que si chacun des compétiteurs potentiels a ou estime avoir une chance de l'emporter. Aucun opérateur rationnel n'acceptera de consentir des efforts susceptibles de lui permettre de se ménager une meilleure position concurrentielle, s'il estime que le jeu est faussé parce que, dès le départ, les chances sont trop inégales.
L'existence même de la concurrence dépend ainsi de l'idée que se font les opérateurs de leurs chances dans la compétition.
L'idée d'égalité, par nature ambiguë, est en outre, perturbée en matière économique par les aléas des marchés, mais aussi parce que le processus concurrentiel conduit inéluctablement à l'inégalité, inégalité qui est le moteur même de la compétition. La création de l'inégalité est donc consubstantielle de la démarche de concurrence.
Venons-en à notre propos : l'un des antonymes du terme « égalité » est le terme « discrimination ». Il est, en droit du marché, affecté d'une connotation fortement négative. Etymologiquement, discriminer est issu de discriminare : mettre à part, diviser, séparer, distinguer.
Le Vocabulaire juridique Capitant retient deux sens et deux utilisations : un sens négatif, et un sens positif, une utilisation générale et une utilisation en droit de la concurrence. Le sens négatif est le seul retenu au sens concurrentiel. Ainsi, le commerçant qui distingue parmi ses clients, estime ne faire que son métier par cette discrimination au sens neutre du terme ; il traite différemment des clients qu'il estime être dans une situation différente. Mais lorsque cette différence de traitement sera reçue négativement par celui qui estimera en être la victime, il parlera aussi de discrimination, mais au sens négatif, pour signifier qu'il conteste la légitimité de cette rupture d'égalité. On parlera alors de discrimination abusive.
La discrimination positive, elle, pourrait être définie comme étant une catégorie particulière de discrimination justifiée, mise en œuvre par une politique volontariste et dont l'objectif est la réduction d'une inégalité.
Cependant, il peut paraître paradoxal d'associer le terme de discrimination qui a une connotation négative avec le terme « positive ».
Aristote lui-même avait constaté que traiter également des choses inégales est une rupture d'égalité, au même titre que traiter inégalement des choses égales, même si le droit français ne connaît pas encore l'obligation positive de traiter inégalement des situations inégales.
Il existe donc à la fois une aspiration fondamentale à l'égalité, et le constat que la justice passe par des inégalités. On parle d'ailleurs de discriminations positives, pour souligner qu'elles tendent vers l'égalité.
Le rapport du Conseil d'Etat de 1996 qui portait sur le thème de l'égalité prônait « une conception équitable de l'égalité ».
Le droit des affaires est une notion vaste qui comprend notamment le droit des sociétés, le droit des entreprises en difficultés, le droit des instruments de paiement et de crédit, le droit des actes de commerce, le droit fiscal, le droit social, le droit de la concurrence et le droit public de l'économie.
Nous tenons à préciser que nous aborderons ce problème essentiellement sous l'angle du droit de la concurrence et du droit public de l'économie, car c'est dans ces matières du droit des affaires que l'idée de discrimination positive nous a semblé être la plus manifeste, notamment en ce qui concerne le droit des aides d'Etat.
D'une manière synthétique, on peut définir l'aide d'Etat comme tout avantage économiquement quantifiable, conféré par la puissance publique et susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres.
L'Allemagne et l'Italie sont à l'origine de 70% des aides d'Etat dans l'union européenne, alors que les aides d'Etat du Royaume-Uni et de l'Espagne cumulés n'atteignent que 6%.
Qualifier une discrimination de positive n'a pas beaucoup de sens puisque logiquement, toute discrimination revêt à la fois un aspect négatif et un aspect positif.
En ce sens qu'une différenciation de traitement s'exerce toujours en même temps au profit d'une catégorie et au détriment d'une autre.
A priori, rien ne permet de distinguer une discrimination positive d'un autre type de discrimination si ce n'est l'intention avérée de l'autorité normative de procéder à une distinction favorable à une catégorie donnée. Ainsi qualifier une discrimination de positif relève d'une appréciation finaliste et forcément subjective.
Ainsi, dans un premier temps, nous constaterons que la discrimination positive est une notion favorisant l'égalité de fait entre les opérateurs économiques (I) ; mais nous étudierons ensuite que la discrimination positive constitue également une notion subjective, qui peut être source d'insécurité juridique en droit des affaires (II).
[...] Ceci pose parfois des problèmes graves à l'entreprise. Par exemple, une entreprise peut devoir rembourser des financements par l'Etat et/ou une collectivité territoriale pour un projet dans lequel elle s'est déjà engagée de façon irrévocable. En pareille situation, l'Etat doit faire en sorte de récupérer l'aide illégalement perçue même si cela doit aboutir à la faillite de l'entreprise Ce qui est source d'insécurité juridique. A cet égard, on peut citer un communiqué de la Commission du 17 décembre 2003 relatif à la non-conformité du régime fiscal prévu à l'article 44 septies du CGI aux règles du traité en matière d'aides d'Etat. [...]
[...] Ils permettent de justifier des discriminations entre producteurs. En conséquence, des avantages peuvent être accordés par la réglementation communautaire à un producteur agricole qui rencontre des difficultés économiques particulières. La prise en compte de l'intérêt général permet donc de conférer des droits particuliers à certaines entreprises chargées d'une mission de service public. Cette solution ne peut être considérée comme une limite à l'égalité dans la concurrence, mais comme une application de ce principe, qui admet le traitement différent de situations différentes. [...]
[...] Cependant, il est indéniable que le critère de l'intérêt général est suffisamment subjectif pour laisser une très grande marge de manœuvre à L'Etat dans l'octroi des aides. Or cette subjectivité entraîne une insécurité juridique certaine en droit des affaires. Dans sa formulation administrative, la règle veut que des ruptures d'égalité ne soient possibles qu'à la double condition que les situations ne soient pas semblables et que la rupture d'égalité soit conforme à l'intérêt général. Le respect d'une telle règle est peu contraignant. [...]
[...] Vogel, Tome n°770 S. Robin-Olivier, Le principe d'égalité en droit communautaire n°440 C. Rouan, Le contrôle des aides d'Etat aux entreprises de l'Union européenne J-P. Viennois, La distribution sélective n°129 Thèses et monographies G. Ble, le principe d'égalité en droit de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles entre les secteurs public et privé depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986, dirigé par R. Letteron I. Cadin, Les réseaux de distribution : accords restrictifs de concurrence, dirigé par J. Wibault S. [...]
[...] Vedel, Egalité et équité : antagonisme ou complémentarité C. Lucas de Leyssac et G. Parleani, Droit du marché n°577 C. Gavalda et G. Parleani, Droit des affaires de l'Union européenne, 4ème édition n°777 M. Malaurie Vignal, Droit de la concurrence, 2ème édition, p 151 G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, 18ème édition par L. [...]
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